4 mars 2023

Le printemps sait se faire attendre



Après une belle journée ensoleillée vendredi, ce matin, il neige. Chute drue de petits flocons présentant un angle de trente degrés. Environnement Canada nous a sorti le dramatique bandeau rouge « Avertissement de neige », mais n’annonce pour aujourd’hui qu’un modeste cinq à dix centimètres, « sauf 15 cm sur le secteur sud-ouest », ce qui est un peu vague. On verra.

Avec la neige fraîche tombée plus tôt cette semaine, ça ne trompe pas : les cerfs spectraux sont de retour. Hier, leurs pistes étaient bien visibles, zigzagant sur le terrain et dans le petit boisé derrière le chalet. Jamais on ne les voit eux-mêmes, bien sûr, c’est le propre des fantômes. Il y a des traces de sabot et des pistes de cerf tout l’hiver dans le coin, mais rarement si près du chalet, il me semble. Peut-être les pauvres bêtes, d’un naturel farouches, sont-elles affamées en cette fin d’hiver et errent-elles dans les quartiers plus résidentiels à la recherche de nourriture ? (En fait, je triche : l’autre soir, après le coucher du soleil, je suis sorti en voiture et j’ai surpris deux chevreuils dans la rue et qui ont vite fait de piquer sur le terrain d’un voisin. J’ai à peine eu le temps de les apercevoir, mais j’ai enfin eu la preuve que les cerfs spectraux du quartier sont bien réels.)

Les canards se font rares, l’hiver ; je ne leur en veux pas d’aller se faire voir en des lieux plus douillets. Hier après-midi, en faisant une petite marche, j’ai vu voleter dans le ciel un canard solitaire qui se déplaçait au petit bonheur en battant furieusement ses petites ailes. Je me suis dit qu’il devait s’agir d’un de ces colverts qui habitent non loin toute l’année. Continuant mon chemin, j’ai justement pu constater que ses (supposés) congénères se trouvaient à leur lieu de rassemblement habituel lorsque je suis passé sur le ponceau qui permet au chemin d’enjamber le ruisseau. Ils étaient une demi-douzaine peut-être à se tenir immobiles et un peu ridicules sur la partie glacée du ruisseau, comme à attendre que l’hiver passe. Je les imaginais grelotter et claquer des dents. (Il faisait à peine moins deux et je vous ferai grâce de vous imposer ici l’expression froid de canard pour faire de l’effet.)

Poursuivant ma promenade, quelques pas plus loin, j’ai entendu un duo de cardinaux rouges qui marquaient chacun leur territoire en répétant leur chant qui ressemble à une alarme de voiture ou au son d’un jouet électronique. J’ai eu beau les chercher du regard à la cime d’un bouquet de cèdres et au faîte d’un pin blanc d’où provenait leur chant respectif, rien à faire, ils demeuraient invisibles. J’en ai conclu qu’il s’agissait assurément de cardinaux fantomatiques. (On n’est pas à un animal spectral près, dans le coin.)

Depuis quelques jours, l’hiver s’accroche. Malgré tout, c’est le mois de mars et l’angle avec lequel tombent les rayons du soleil (lorsqu’il fait soleil) nous procure de l’espoir. Tout ce qui est mort ou endormi sous la neige reprendra bientôt vie. Les oiseaux reviendront. En attendant, l’hiver nous fait des pieds de nez et le printemps se fait attendre.