Les dernières volontés en disent long sur la personnalité du disparu. Les
exigences compliquées et pompeuses pour disposer de ses restes — vous savez,
les dispositifs très précis du genre « éparpillez mes cendres dans le lac Titicaca au moment de l’équinoxe d’automne » ou bien « tirez-les d’un canon alors qu’un groupe de mariachis joue
Are you lonesome, tonight ? » — ne peuvent être que le produit d’un
esprit narcissique et égocentrique.
*
Dans le remake du film La mort en direct, c’est l’autrice à succès qui met en
scène avec ostentation sa propre mort, qui s’abandonne exsangue aux objectifs, aux
microphones et au direct.
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Quand les gens humbles meurent, ils se plient aux circonstances,
dans le silence et dans l’obscurité.
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Il n’avait jamais réfléchi à la question, ce qui explique que dans le bureau de la notaire,
quand elle lui avait demandé s’il avait quelque dernière volonté, il avait
improvisé, il avait dit les premières choses qui lui passaient par la tête,
des affaires tirées par les cheveux, il ne pouvait pas deviner que deux mois
plus tard il serait victime de cet accident de la circulation, que ses
amis, embarrassés, seraient pris pour se plier à ses hosties de dernières
volontés de débile mental.
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À l’instant de ma mort, au moment que j’aurai choisi et « dans la dignité »,
je vais convoquer mes amis à mon chevet, je vais leur commander de se déguiser
en mascottes d’équipe de sport, et au rythme d’un pot-pourri de chansons de
Devo — mon groupe préféré quand j’étais jeune — ils devront déclamer à
haute voix en faisant semblant de pleurer à chaudes larmes des extraits de mes
manuscrits refusés en buvant des piña coladas et des daiquiris, alors qu’une
infirmière injectera des drogues de plus en plus puissantes dans mon soluté,
jusqu’à ce que je perde connaissance, puis jusqu’à mon dernier souffle. On
va-tu en avoir du fun !
[Voilà qui conclut le quarante-cinquième paquet de cinq fragments de cette série qui se poursuit inexplicablement depuis 2016.]