27 août 2022

Maudits étourneaux

Non, mais, pour qui se prennent-ils ? Ça se déplace en gang, ça débarque sans prévenir, ça s’installe sans gêne, ça piaille, ça couine, ça jacasse. On entend de loin leur chant aléatoire — on dirait cent oiseaux d’espèces différentes en congrès — avant de les apercevoir, brefs profils noirs agglutinés au faîte des arbres. Les maudits étourneaux sansonnets.

Les parents, les professeurs, les chroniqueurs : tout le monde parle de la rentrée, la rentrée de quoi au juste, ce n’est pas clair, ça doit être quelque chose dont on sort pendant l’été puisqu’il faut y rentrer de nouveau, fin août, début septembre. Les oiseaux suivent aussi le rythme des saisons. À un moment donné, on voit passer les bandes d’étourneaux sansonnets, plus tard, les juncos ardoisés, plus tard encore, les volées de bernaches, et chaque fois on se dit : tiens, déjà cette période de l’année. Ces jours-ci, tout le monde parle de la rentrée. Les journées sont plus courtes, d’accord, mais l’été n’est pas fini. Le mois d’août n’en agonise pas moins. Les signes ne trompent pas : les cosses gonflées des asclépiades, les pommes qui jonchent le bord des chemins, le terrain vague d’à côté qui vient d’être fauché. Dans le journal, la liste des dix romans à lire cet automne.

Je sors du chalet. C’est comme si des dizaines de R2-D2 faisaient leurs vocalises dans les cèdres. Pouip, cra, ploup, cui, bzi. Maudits étourneaux. Je les ignore autant que possible, je monte dans la voiture, ferme la portière. Le silence se fait. Je démarre le moteur, j’ajuste le siège du conducteur et les rétroviseurs. La radio joue, des gens discutent, mais ce n’est qu’un bruit de fond auquel je ne porte pas attention. En fait, oui, il est question de la rentrée. J’embraye en rêvant d’évasion.