De : Linda Barry
Envoyé : 31 octobre 2021
À : Nicolas Guay
Envoyé : 31 octobre 2021
À : Nicolas Guay
Objet : Linda Barry vous a mentionné dans un commentaire
My name is Diana, I'm 24 years, brown skin, and I'm good in bed. I want
a guy good in bed since it's been long since was shagged really good. I’m very
lustful, and so the man has to be great in bed too, I want him to be my bed
buddy, and if he bangs me good, we will meet regularly. Hope he gifts me
after.
Thanks. Check my pictures here
[Lien]
De : Nicolas Guay
Envoyé : 19 novembre 2021
À : Linda Barry
Objet : RE: Linda Barry vous a mentionné dans un commentaire
Envoyé : 19 novembre 2021
À : Linda Barry
Objet : RE: Linda Barry vous a mentionné dans un commentaire
Très chère Diana,
(À moins qu’il ne s’agisse de Linda, ce n’est pas très clair ; je vais opter pour Diana, puisque vous avez pris la peine d’écrire « My name is Diana ».)
C’est avec émotion que j’ai découvert votre lettre dans le répertoire Indésirables de mon compte de courriel. L’hilarité est une émotion.
L’exaspération, aussi.
Ce que j’allais faire dans le répertoire Indésirables de mon compte de
courriel ? La question est légitime. C’est qu’il m’arrive de m’ennuyer, chère
Diana. Il m’arrive de mesurer le vide qui remplit le fil de mes réseaux
sociaux favoris quand je les fais défiler du bout du pouce. Il m’arrive de
rafraîchir ma boîte de courriel à répétition et de n’y trouver encore et
toujours qu’un message du département du marketing du monopole provincial des
vins et spiritueux, une notification automatisée m’informant que le dernier
relevé de ma carte de crédit m’attend dans le site transactionnel de mon institution
financière, ainsi qu’une autre de ces missives inutiles issues de ce satané
site de réseautage professionnel. Et lorsque je m’ennuie, parfois, je clique
ici ou là sur l’écran de ma tablette, j’explore des racoins inexplorés du
néant de mon existence numérique, tel que le répertoire Indésirables de mon compte de courriel.
Comprenez, ma chère Diana, que je vis seul et que mon existence manque affreusement de consistance. Comme vous, cela fait bien longtemps que je n’ai pas été « shagged really good » ou autrement. Pour être tout à fait franc avec vous, Diana, cela fait un mois que je ne suis pas sorti de la maison. Mes collègues de travail, par le biais de l’image à basse résolution du système de visioconférence, ont sans doute à peine remarqué ma barbe qui s’allonge, mes vêtements fripés et mon teint jaunâtre. La pandémie a été dure avec moi et j’attends avec appréhension la cinquième vague. J’ai épuisé Netflix et je ne me nourris plus que de denrées livrées à ma porte par le dépanneur du coin. Un peu de compagnie ne me ferait sans doute pas de mal, mais vos avances me semblent pour le moins agressives. Ma vie sociale est dans un tel abîme, qu’avant de considérer un « bed buddy », je viserais d’abord une relation de nature plus platonique.
En terminant, vous excuserez, je l’espère, le fait que je ne sois pas allé consulter l’album-photo dont vous m’avez si gentiment fourni la référence. C’est que je préfère conserver le mystère sur votre apparence. Ainsi continuerai-je à vous imaginer comme le jeune cousin un peu niais et vaguement anglophone d’un membre d’une organisation d’arnaqueurs numériques de bas étage d’origine russe ou ukrainienne. Le genre de type qui rêve d’une nymphomane de 24 ans au teint basané en composant laborieusement des courriels d’hameçonnage dans la langue de Shakespeare ou, disons, un Shakespeare limite analphabète et en manque de peau.
N’hésitez pas à me répondre, mais ne soyez pas trop empressée à avoir de mes
nouvelles : je ne consulte pas le répertoire Indésirables de mon compte de
courriel sur une base régulière.
Merci quand même,
N.