10 juillet 2021

Extension du domaine de tous les possibles — Le making of



Je m’étais pourtant promis de ne plus recommencer. C’est que l’autoédition est un sport de combat. Un sport extrême. C’est gravir l’Everest sans sherpas, les yeux bandés, en talons hauts. C’est tricoter une écharpe à une girafe : une maille à l’endroit, une maille à l’envers, et maille à partir avec la langue, avec la typographie, avec du code informatique, avec des logiciels, avec soi-même. L’autoédition, c’est crier, que dis-je, chuchoter dans le désert. Mettre au monde un livre dans ces conditions ? Soyons franc : ça demeure un plan B, un pis aller. J’ai d’ailleurs récemment retiré de la vente quelques titres de ma collection de livres autoédités ; les pauvres étaient épuisés.

Je m’étais donc promis qu’on ne m’y reprendrait plus. Avec juste ce qu’il faut de vanité, j’avais déclaré à mon for intérieur que, au-delà de mon blogue, je ne m’en remettrais plus qu’au bon jugement d’éditeurs pour faire ou non de mes écrits des livres. Disons que ç’a été pas mal « ou non » jusqu’à maintenant.

C’est ainsi que l’autre jour, au hasard d’un petit ménage dans ma paperasse numérique, je suis tombé sur ce manuscrit que j’avais constitué à partir de l’accumulation des aphorismes et autres petites choses publiées dans Twitter depuis 2015. J’avais fini par oublier ce manuscrit déjà refusé ou ignoré par quelques éditeurs à gauche et à droite. Je vous raconte cela sans amertume ; il me semble normal qu’un éditeur ne se précipite pas pour publier une plaquette alignant quelques poignées d’aphorismes pondus pas un parfait inconnu. Si j’étais moi-même éditeur, je ne lèverais sans doute pas le petit doigt sur ce genre de projet, à moins qu’il ne soit signé par un diplômé de l’École de l’humour ou par une vedette de la télé.

Après avoir exhumé ce fichier d’un racoin sombre de la structure labyrinthique de mes dossiers personnels, j’ai constaté qu’il y avait moyen de transformer ce matériau en un livre numérique, et ce, sans y passer des mois. Le gros du travail de sélection, d’organisation et de relecture des textes avait déjà été fait. Il suffisait de faire une dernière corvée de révision et d’émondage, puis de composer un document EPUB en partant du format déjà développé pour mes autres livres.


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Je passerai sous silence le labeur — j’y pense, un labeur est-il obligé d’être dur ? — qu’a représenté la recherche d’un titre pour coiffer ce recueil. Le titre de travail était trop sage et me déplaisait. Pendant des jours — pour être plus précis : sur un intervalle de plusieurs jours à raison que quelques minutes par jour —, j’ai constitué une longue liste de titres candidats tous plus moches, mauvais, mous, mièvres et merdiques les uns que les autres, jusqu’à ce que survienne cette collision de deux lieux communs : Extension du domaine de tous les possibles. Pas mal, me suis-je dit. Voilà un titre qui ouvre la perspective d’infinies possibilités, un infini extensible de surcroît.

Permettez-moi de passer aussi sous silence cette maladie mentale qui m’affecte et dont le principal symptôme consiste en une inexplicable sensibilité (irritabilité) aux expressions [substantif] des possibles et [substantif] de tous les possibles. Pour calmer ce mal étrange, j’ai jadis constitué dans mon blogue une liste d’occurrences de ces expressions honnies, lubie qui fut vite (cinq ans, c’est vite ?) abandonnée lorsqu’il m’est apparu que cette thérapie par l’énumération s’avérait vaine. Pour un gars comme moi formé en science, je n’y peux rien : à tous les possibles, je préférerai toujours toutes les possibilités, ce qui, j’en conviens, ressemble davantage à la description d’un ensemble mathématique qu’à une potentialité subjective (ou littéraire ou que sais-je).


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Sur l’emballage de certaines marques de croustilles, on prétend que celles-ci sont préparées à partir de pommes de terre « sélectionnées ». Il en est de même, si je puis dire, de ce recueil d’aphorismes. De ces six années (de 2015 à 2021) d’eurêka twittéraires sporadiques et spasmodiques, il reste moins de 6 000 mots. Ce livre est en quelque sorte un substrat de logique floue, d’esprit de bottine et de regards de biais. J’avoue être content du résultat, qui constitue un prolongement naturel de mon recueil L’insoutenable gravité de l’être (ou ne pas être), (auto)publié en 2015. J’ai d’ailleurs profité de l’occasion pour rafraîchir un tantinet la présentation de ce vieil opus, lequel est toujours disponible en format EPUB chez KOBO ou à la FNAC.

Enfin, j’ai pu compter sur les commentaires et les suggestions de mes lecteurs de test Joanne Dubé et Luc Jodoin, que je remercie au passage. Ce petit livre est meilleur grâce à leur contribution.

C’est vers la mi-août qu’aura lieu le lancement de ce recueil d’aphorismes et autres petites choses Extension du domaine de tous les possibles. Restez à l’affût, chère lectrice, cher lecteur !