16 novembre 2020

Les mains gercées (15)




La campagne brûle
On postillonne des microgouttelettes
On exhale des aérosols
Ça sent la fin du monde

Les réseaux hyperventilent
La file à la SAQ fait presque un kilomètre
Les lumières de Noël sont en rupture de stock
Les parents sont inquiets

On binge watche des séries
De chiffres qui forment autant de courbes
Tout le monde donne son opinion
Mais personne n’opine

Je n’entends rien au langage des consignes
Le gouvernement veut « sauver Noël »
Sauve qui peut
Je traverse les barbelés et je détale dans la nuit

Les chiens renifleurs jappent
Alors que, tapi dans les fourrés
Je retiens mon souffle
L’étau se resserre

Dans le no man’s land
Il faut se méfier des drones
Et des caméras à infrarouge
J’ai jeté mon téléphone dans un ruisseau

Les lunettes embuées
L’esprit embrouillé
J’avance à tâtons
L’automne lancine

L’avenir est oblique et le présent radote 
Ma quarantaine à mes trousses
Je rampe le long de l’autoroute
On retourne en ville

Là-bas, on se trouvera un squat
On occupera nos nuits d’insomnie
À mettre du baume
Sur nos cœurs gercés



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