4 mai 2020

La fuite




Nous sommes arrivés hier. Une fois installés, nous avons découvert un monde différent, presque exotique.

Ici, la géométrie et les proportions sont différentes. Il y a plus d’espace. Il est aisé de tenir ses distances.

Ici, les gens se disent bonjour avec un enthousiasme qui surprend, comme pour faire un doigt d’honneur à l’épidémie.

Ici, on ne sent plus le regard qui juge. (Mais je ne suis pas encore allé faire le marché.)

Ici, les grenouilles sifflent dans les boisés. Les tourterelles roucoulent tristement.

Ici, je ne suis pas qu’un individu dans une foule, je suis un être dans un environnement. Un environnement qui n’est pas que technique, mais naturel, aussi.

Ici, comme d’habitude, il y a encore trop de SUV et de camions géants.


*


Je suis réveillé de bonne heure par les bernaches. « Vos gueules, les oiseaux ! », me dis-je stupidement. C’est l’heure. Je me lève.

Matin gris. Trois tourterelles tristes, penaudes, traversent la rue. Elles picorent mélancoliquement le terrain avant de détaler.

Est-ce le confinement ? Je ne vois personne, ce matin. Aucun chien ne promène son maître. Aucun VUS ne brûle de l’essence. Rien ne (se) passe. Puis, soudain, c’est presque la cohue. Une madame traîne en laisse sa moppe grise, un petit sac bleu pour caca à la main. Presque au même moment, une fourgonnette rouge. Un instant plus tard, un monsieur et une petite bibitte à poils noire, même petit sac bleu. Ensuite, ça se calme.

La luminosité évolue, le gris s’assombrit, les contrastes se durcissent. Une brise fait se dodeliner doucement les branches des pins. Pleut-il ? Il mouillasse, peut-être. Pas assez fort pour entendre les gouttes sur le toit.

Et je me rappelle qu’on n’est pas dimanche et qu’il faut que je me mette au travail.