11 avril 2020

Les mains gercées (4)

(Source)




La patience est en rupture de stock
Ce sont des limbes ennuyants
Où errent les âmes en peine
C’est un avant-goût de l’éternité


*



Grâce à un formidable partenariat
Les artistes seront dorénavant confinés sur Facebook Live
La culture bien en sécurité derrière un mot de passe
Je sors prendre l’air


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Le présent désinfecté
Se rend compte qu’il ne reste plus de café
Bien sûr que ça justifie de risquer sa vie
C’est l’heure d’une sortie extravéhiculaire

L’espace est vaste et vide
Il est peuplé de drôles de créatures
Mon scaphandre a une fuite
Mon panier d’épicerie, une roue disloquée

De retour à la maison, il faut se laver les mains
Ranger les courses puis se laver les mains
Nettoyer son téléphone puis se laver les mains
Se laver les mains puis se laver les mains

On n’est jamais trop prudent
Rester chez soi est la meilleure façon
De se prémunir contre les accidents de voiture
L’avenir appartient à ceux qui ne se lèvent pas


*


Les masses inquiètes ont soif de remèdes
Le port du masque est maintenant obligatoire
Les services devront être rendus à visage couvert
Y compris pour les personnes en position d’autorité


*


J’aime tes courbes
Tu me fais de l’effet placebo
Viens, enlève ton masque
Que je respecte ta proximité sociale


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Pendant que « le coronavirus emporte » des célébrités
On ne sait trop où
Pendant que vous faites du pain dans les réseaux sociaux
Que vous cadrez minutieusement votre beauty shot

Pendant que vous relisez la Peste
Et trouvez ça un peu long
Pendant que vous rêvez de masques de procédure
Et d’une prescription de Xanax

Pendant que ma vieille mère s’ennuie et s’effrite
Seule dans sa chambre
Pendant que des femmes et des hommes essoufflés
Courent des risques

L’émotion m’étouffe
Je ferme les paupières
J’ai bien peur d’apercevoir
Le tunnel au bout de la lumière

Je porte un masque
De fabrication artisanale cousu
Dans les retailles
De mes cauchemars d’enfant


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Est-ce l’effet du redoux printanier ?
L’évitement a fait place à l’antagonisme féroce
Ce satané virus grignote notre esprit
On me zieute comme un pangolin malpropre


*


À quoi ça sert un VUS géant
Si on ne peut plus sortir ?
Le Walmart boude
La banlieue s’ennuie



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