3 mars 2020

Passé simple (inédit) — Plastique

(Source: Wikimedia Commons)



Dans mon jeune temps, il existait encore — reliquats des années 1950 et 1960 — des objets qui n’étaient pas fabriqués en plastique. Les liquides étaient souvent distribués dans des contenants de verre. Les petits poudings Laura Secord étaient vendus en portion individuelle dans une cannette. Il existait des pailles à boire en carton, des sacs d’épicerie en papier kraft. On voyait des systèmes de son et des télévisions encastrés dans une boîte ou un meuble en bois. La fourrure et le cuir étaient faits de peaux d’animaux tannées. Les épingles à linge étaient composées de deux pièces de bois jointes à l’aide d’un ressort métallique. Les bâches et les tentes étaient en toile de coton épais. Les raquettes, en bois et en babiche. La tuyauterie, en cuivre. Bien sûr, à cette époque, il y avait de la cuirette, du Fortrel, du Phentex et du Plexiglass; il y avait de la Bakélite, du vinyle, du polystyrène et bien d’autres matières artificielles issues de la pétrochimie. Le plastique avait souvent une texture dure et cassante comme de la poterie ou de la nacre. Avec le temps, le caoutchouc finissait par sécher et s’égrener. Le nylon se décolorait au soleil. À cette époque, on n’avait pas encore développé toute la science et les techniques qui permettraient bientôt de fabriquer des objets et des emballages de plastique par millions pour presque rien, et ainsi encombrer toute la surface de la Terre, océans compris.