28 mars 2020

Les mains gercées (2)

[Voici la suite de mes aventures poétiques sous l’occupation du coronavirus SARS-CoV-2. J’ai décidé de changer un peu le protocole. Si la pandémie nous a appris une chose, c’est qu’il faut savoir s’adapter à mesure que l’accident de train se produit au ralenti. Je continuerai à diffuser dans mon compte Twitter @nanopoesie des quatrains sous le mot-clic #covidPoème, mais moins fréquemment que je ne l’ai fait jusqu’ici. Je ne veux pas polluer Twitter plus que nécessaire avec mes élucubrations. Je publierai ici un recueil que j’espère hebdomadaire et qui sera composé d’un mélange de ce que j’ai publié dans Twitter et d’inédits. Tout les écriverons tentent de canaliser leur expérience de cette tragédie qui frappe actuellement l’humanité. J’ai parfois l’impression qu’il y a plus d’auteurs que de lecteurs. Je sens parfois que l’écho de ma voix se perd dans les turbulences (ou dans le vide). Cela dit, je ne me plains pas. Je suis en sécurité dans mon appartement montréalais avec ma blonde et il ne nous manque de rien. Je vous en souhaite autant. Merci d’être là et portez-vous bien, chère lectrice, cher lecteur.]







J’aime l’odeur du Purell au petit matin
C’est le printemps
On a eu la permission de sortir en solitaire
Beau temps pour un curetage


*


« Gardez une distance
D’au moins 2 mètres
(Longueur d’une grande table à manger)
Entre vous et les autres »

La solitude se mesure en table à manger
Je me prends pour un regroupement
D’une seule personne
N’oubliez pas de bien laver le creux de votre coude


*


Il y aura un avant et un après
Pour le moment, il y a surtout un pendant
Lent et long et plate
Ma cage a encore rapetissé cette nuit

À l’époque, il y a deux ou trois jours
Nous vivions dans un luxe de liberté
Jeter un œil entre les barreaux était toléré
J’ai hâte qu’ils changent la litière


*


Je trace du doigt la courbe
Et ressens un frisson
À l’endroit précis au creux de ta taille
Où les baisers sont contagieux


*


La patience flétrit comme un trop long hiver
C’est compliqué, les mathématiques
Il faut continuer de croire au futur
Vivre nos rêves et nos cauchemars par procuration

Pendant que les réseaux sécrètent de la bile, je sors courir
Dehors, c’est l’au-delà
Les chiens promènent leurs maîtres
Les enfants ne savent pas écrire le mot virus

Je cours et je retiens mon souffle
Croiser des passants est une aventure
Les contacts visuels sont toujours permis, mais
Je ne prends pas de chance


*


Le pouche-pouche est en rupture de stock
C’est la revanche des microbes
Vingt secondes, es-tu sûr que c’est assez ?
Mes jointures sont des genoux de rhinocéros en sang


*


Les troglodytes
Mangent des plats surgelés
En écoutant
Le Legault Daily Show

Maurice Duplessis est devenu Lucien Bouchard est devenu François Legault
C’est notre combat, c’est le coronavirus d’ici
On récite notre chapelet quotidien à treize heures
C’est trop vrai pour être beau

Restez chez vous
Lavez-vous les mains
Ça va bien aller
Parce qu’au Québec, c’est comme ça qu’on vit



*
*   *