27 février 2020

Passé simple (inédit) — Maquillage

(Source: Wikimedia Commons)



Il y aurait sans doute eu moyen de faire de tout ça un récit, avec un narrateur qui raconte l’histoire, qui fait vivre les personnages, qui en rajoute quelques couches, qui scénarise, qui fait passer les souvenirs à travers le filtre de la fiction pour faire intéressant. Partir des mêmes images et insérer des détails pour raccorder les éléments disjoints, tracer des contours nets par-dessus le flou. Imaginer des traits de caractère amusants, des dialogues savoureux, des péripéties captivantes. Oui, il aurait été possible de construire une intrigue, ou en tout cas un arc dramatique. On aurait pu exploiter les clichés habituels : la magie de l’enfance, un ourson en peluche qui parle, le vieux voisin excentrique, un enseignement moral, un moment de rédemption, par exemple moi qui frappe un coup de circuit à une compétition provinciale de baseball inventée. Il faut se méfier de l’authenticité des récits autobiographiques qui ressemblent à un roman. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas se méfier aussi de mes souvenirs découpés grossièrement dans le carton de la banalité.