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Selon certaines rumeurs, le temps s’accélère : plus ça va, plus la vie s’emballe, plus on court et moins on a de temps. Ce phénomène serait, dit-on, un effet du capitalisme et du progrès technologique. Pendant que son environnement se transforme à vitesse grand V, l’humain n’évolue pas et demeure le même, c’est-à-dire une version à peine améliorée de l’australopithèque; le pauvre peine à suivre le rythme. Selon cette théorie, la vie s’écoulait jadis tout doucement, au goutte-à-goutte. Le silence était alors plus profond qu’il ne l’est aujourd’hui. L’information circulait au rythme des humains et des signaux analogiques. Tandis que nos ancêtres vaquaient à leurs occupations quotidiennes avec nonchalance — à labourer le champ, à élever dix enfants, à compter leurs cennes, à se nourrir de blanc-manger —, mes contemporains sont pour leur part soumis à un stress de tous les instants. Il y a seulement quelques décennies de cela, les téléspectateurs patientaient sagement pendant les pauses publicitaires à la télé. On pouvait feuilleter cinq bonnes minutes un dictionnaire avant d’y trouver un mot. À l’usine, on répétait sans rechigner les mêmes gestes toute la journée. On dormait ses huit heures les doigts dans le nez. On savait attendre en file sans rien faire, parfaitement zen : pas de pitonnage, pas de scrollage. On ne s’ennuyait jamais. On mourait vieux, sage et serein. Les longs fleuves coulaient, tranquilles.