23 décembre 2019

Tes derniers jours — 3. À l’hôpital

(Source)






À l’hôpital


La chute est abrupte
Les plombs ont sauté
Ton regard perdu
En a long à dire

Tu perds la boule enlacé par maman
Tu conçois des théories abracadabrantes
J’entends le déchirement lent du velcro
De votre vie à deux

Tu fronces les sourcils
Cherches tes mots, des chiffres
Tu comptes des pieds
Les tiens et d’autres que toi seul perçois

Tu fais des mathématiques
Tu fais de la numérologie
Engloutis l’univers dans un tourbillon d’information
Une soupe à l’alphabet

Tes calculs sans fin
Tes élucubrations
Tu es Cyrano au dernier acte
Tu es HAL qui se déprogramme

Tu pleures
La seule certitude qui te reste
Sont les mains de maman
Dans les tiennes

Plus tard
Tu retournes comme un gant le fameux paradoxe en parlant de
« La fabrication du dernier œuf
Par la dernière poule »

La pharmacopée dessine les montagnes russes
De ton humeur
Tu te calmes
Reprends tes esprits

La petite victoire consiste
À faire avec toi le tour de l’étage
Lentement
Précédés de ton déambulateur

Le monsieur émacié assis dans le couloir
À demi-nu, à la barbe et aux longs cheveux blancs
Tu l’appelles « L’antéchrist »
Pour ça, tu n’as pas perdu ton humour sarcastique


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