Le va-et-vient des écureuils se poursuit ce matin. Ça gambade, ça renifle, ça fouille la neige. Ça court avec un truc dans la bouche (un gland ?). En voilà un qui a sauté d’une branche sur l’appentis de la voisine d’en face, il parcourt le plan incliné de la toiture de long en large, se demandant comment il en descendra. Il s’élance finalement à partir du point le plus bas de la corniche et atterrit sur un petit banc de neige, une vertigineuse chute de moins d’un mètre. J’ai connu des écureuils moins peureux.
Sinon, tout est tranquille. En l’absence de vent, les arbres sont immobiles. Aucun oiseau. L’image se fige ainsi un moment, jusqu’à ce que j’aperçoive au loin un de ces rongeurs grimper verticalement le tronc d’un cèdre. Une minute plus tard, un autre passe sur le fil électrique aérien qui longe la rue.
Je m’imagine que cette nuit, pendant que je dormais, les écureuils ont envahi la Terre et, à la suite d’une grande révolte, en ont pris le contrôle. Le genre humain, maintenant dominé par les sciuridés, est contraint à faire la culture du chêne et du noisetier. Les écureuils n’ont plus à s’astreindre à cacher, puis retrouver leur nourriture. Dans le cadre de fastueux banquets, leurs esclaves humains leur servent à volonté des glands frais et des tartines au beurre de noisette.
Une voisine passe, tirée par son labrador. Me voilà rassuré, rien n’a changé : les chiens sont bel et bien demeurés les maîtres du monde.