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J’ai cette idée. Une bande dessinée de Michel Rabagliati (dessin) et Michel Houellebecq (scénario). Le titre: Paul cherche de l’attention. Synopsis: Paul est très déprimé. Il a une vie plate. Il déteste ses contemporains. Il fréquente les prostituées. Sinon, il médite sur divers sujets vaguement à la mode et controversés. Inexplicablement, il gagne des prix littéraires et beaucoup, beaucoup d’attention.
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— J’ai pleuré ma vie.
— Votre vie.
— Oui.
— Vous l’avez pleurée. Elle s’est liquéfiée. Elle a coulé par vos yeux.
— Bin.
— Vous l’avez pleurée. Glouglou. Carrément.
— Euh.
— Comment se fait-il que vous soyez toujours vivant, si vous avez pleuré votre vie, si elle vous a quitté par vos canaux lacrymaux? Dites-moi.
— C’est que.
— Non. Vous n’avez pas pleuré votre vie.
— Mais.
— Non. Vous ne l’avez pas pleurée. Pas plus que vous ne l’avez braillée, dégueulée, gueulée, ri, courue, suée, capotée. Vous n’avez rien fait de tout cela avec votre vie. Peut-être l’avez vous ratée, votre vie, mais ça, c’est une autre histoire. Sinon, votre vie, laissez-la tranquille, laissez-la s’écouler, vivez. Et laissez tomber les tournures de phrase à la mode.
— (...)
— C’est cela. Pleurnichez. Sanglotez. Voilà. Laissez-vous aller, pleurez donc, pauvre petite chose.
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Pour déconner, je vais déménager dans un village du Québec, Saint-Gonzague, disons, et je vais prendre sa population en otage : je vais inventer des contes qui mettent en scène les habitants de l’endroit, je vais utiliser un parler vernaculaire en partie imaginaire et exagéré qui va les mettre mal à l’aise, je vais créer de toute pièce des légendes, je vais rouler mes R, je vais devenir très populaire et je vais détourner la mission du bureau du tourisme local pour en faire un organe de promotion à mon profit. Je vais devenir la mascotte du village. C’est alors que je vais dénicher des promoteurs pour construire dans ce village un parc d’attraction: ce sera une annexe au village faite de fausses maisons, où on trouvera une source de divertissement pour toute la famille, où le public pourra rencontrer les personnages de mes contes, où il pourra surtout acheter des produits dérivés, des t-shirts, des figurines, des livres et des disques, où il pourra manger des hamburgers thématiques et de la barbe à papa du terroir, où il pourra faire des tours de manèges — la grande roue enchantée, la pitoune du bon vieux temps, le labyrinthe des farfadets. Au départ, ce sera comme une grosse blague, mais bientôt, le succès aidant, ça deviendra ma raison d’être et la source de ma fortune personnelle. À la fin, ce sera devenu mon Disney World.
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Tu es terroir et tu redeviendras terroir.