26 janvier 2019

Muons

[Des fragments, encore des fragments. Après Bosons et Gluons, voici Muons. Y a-t-il quelque chose à comprendre? Nous ne le croyons pas.]



        — Je m’appelle Marie.
        — Marie quoi ? Marie-Josée ? Marie-Ève ? Marie-Lune ?
        — Non, Marie. Marie tout court.
        — Bin voyons. Ça existe pas, ça, Marie tout court. Moi, est-ce que je m’appelle Joseph ?
        — Je sais pas. Comment tu t’appelles ?
        — Yann. Je m’appelle Yann. Avec deux N.


*


        — Tu viens de Montréal ?
        — Non, je ne viens pas d’ici.
        — Tu viens de quel coin ?
        — D’aucun. C’est comme dans les contes : je suis née dans une ville imaginaire située dans une région éloignée, mais imprécise. Saint-Kévinne, mettons.
        — Saint-Kévinne ? Si tu le dis. Moi, je viens de Sherbrooke.


*


        — Qu’est-ce qui t’a amenée à Montréal ?
        — Les études. L’université. Après mon bac, j’ai trouvé un emploi en ville. Je me suis fait de nouveaux amis. J’ai acheté ma carte de la STM à chaque mois. Je suis devenue une habituée du Festival de jazz et des Francofolies. Ensuite, j’ai rencontré un gars, on s’est acheté un condo et on a déménagé ensemble. Ensuite, j’ai fait une fausse couche. Ensuite, notre couple n’allait pas très bien. Ensuite, on a rompu et vendu le condo. Ensuite, je me suis loué un appartement trop cher. Ensuite, j’ai rencontré un autre gars. Ensuite, je l’ai laissé parce qu’il manquait de franchise et ne méritait pas ma confiance. Ensuite, j’ai vendu mon auto et je me suis mise au vélo. J’adore la ville. Je me considère maintenant comme Montréalaise.
        — Euh, OK. Moi, mes parents ont déménagé à Pointe-aux-Trembles quand j’avais cinq ans. Asteure, j’habite à Laval.


*


        — Je t’offre un verre ?
        — Non, merci, je bois pas.
        — Une eau gazeuse ? Un jus de fruits ? Un virgin-quelque-chose ?
        — Non, c’est beau, j’ai pas soif.
        — Euh, mais qu’est-ce que tu fais dans un bar, si tu bois pas ?
        — J’attends le printemps.
        — Si ça te dérange pas, je vais me commander une autre bière.
        — Je t’en prie, fais comme si j’étais pas là.


*


        — Tu me présentes pas ton amie ?
        — A priori non.
        — Salut, moi, c’est Yann.
        — Bon, si tu insistes. Jowanie, je te présente, euh, Yann.
        — Yann. Yann avec deux N.
        — Allô.
        — Alors, Jowanie, es-tu aussi sympathique que ton amie Marie ?
        — Je suis pas pire, dans le genre sympathique.
        — Je vous offre un verre ?
        — Non, c’est beau.
        — J’ai l’impression que je vous dérange.
        — On pourrait dire ça, oui.
        — Vous êtes pas des gouines, toujours ?
        — Qu’est-ce que ça changerait ?
        — Rien, je suppose. Bon bin, je vais y aller, moi.
        — C’est ça. Bonne fin de soirée, Yann avec deux N.