20 décembre 2018

Pis, ton manuscrit? (S02E06) — Objectif : Salon


(Chez Marie-Saturne, cliente et maîtresse.)

        — Pis, ton manuscrit ?
        — Manuscrit ? Quel manuscrit ?
        — Voyons, fais pas l’innocent, tu en parles tout le temps. Tu as toujours tes projets pas très secrets d’écriture, non ?
        — Bof. Je sais pus.
        — Écoute, tu m’as déjà proposé, peut-être à la blague, d’écrire ma biographie, tu te rappelles ? Bin, finalement, j’y ai pensé. Ça m’intéresse.
        — Tu me niaises. Ta bio ?
        — Oui, oui, un livre qui raconterait ma vie. Un livre avec un gros plan de mon visage sur la couverture.
        — Mais pourquoi une bio ? Tu es connue et reconnue, tout le monde t’aime, tu gagnes plein de prix, tu vas à tous les talk-shows, tu apparais dans chaque numéro du 7 Jours. Pourquoi une bio en plus ?
        — Tout le monde publie sa biographie. Je veux la mienne aussi. Et puis j’ai toujours rêvé d’aller au Salon du livre et d’y signer des autographes au bout d’une longue file de fans.
        — Des dédicaces, pas des autographes.
        — Des dédicaces, c’est ça. Un livre, c’est une belle façon de passer à la postérité. Je ne peux pas m’empêcher d’imaginer les belles piles de gros volumes avec ma face dessus au Costco et chez Renaud-Bray. Ça m’excite !
        — Ta vanité n’a pas de fond. Donc, si je comprends bien, c’est moi qui écris la biographie et c’est toi qui récoltes les honneurs ?
        — Évidemment : c’est comme ça que ça fonctionne. C’est moi qui fais la tournée de promotion. C’est moi qui vais à Tout le monde en parle. De toute façon, qui se soucie de l’auteur d’une bio de vedette ?
        — En effet.
        — Par contre, tu aurais droit à un bon cachet. Et ton nom apparaîtrait sur le livre. J’irais pas jusqu’à faire croire au monde que je sais écrire. Ça te tente ? Ça pourrait te mettre sur la mappe comme auteur.
        — Admettons que ça m’intéresse. Je me demande : est-ce que ta vie vaut la peine d’être racontée ? Est-ce qu’elle contient suffisamment de drame pour qu’on soit capable d’étirer ça sur deux, trois cents pages ?
        — Mets-en ! Mon enfance à Shawinigan; le divorce de mes parents; la mort de mon chien Croton; le bref épisode anorexique à l’adolescence; mes succès de patinage artistique qui m’ont mené, je te le rappelle, jusqu’aux Jeux du Québec de Matane; la blessure ratoureuse qui m’a fait abandonner ce sport que j’aimais tant; mes problèmes de consommation d’antidouleurs; mes échecs scolaires; mon arrivée à Montréal; mes premiers rôles; mes premières amours; les producteurs qui me tripotent…
        — Attends, t’es sérieuse, là ?
        — Non, je déconne. Enfin, pas tant que ça… Si on s’en tient aux grandes lignes de ma vie pis qu’on exagère juste un peu, il y a moyen de faire une bonne histoire. Fuck, je peux pas croire que ma bio est pas plus intéressante que celle de Marina Orsini ! Elle était l’invitée d’honneur du Salon du livre cette année, cibole !
        — En effet. Co-invitée d’honneur. Avec Ricardo.
        — En plus, si tu deviens mon biographe, ça va me donner une bonne raison pour qu’on se voie plus souvent. Mon chum commence à trouver que je passe pas mal de temps avec mon comptable.
        — J’avoue que tes arguments sont convaincants.
        — Envoye donc !
        — OK, j’accepte.
        — Yes ! Objectif : Salon du livre !



(Fin de la saison 2.)