Un jour, il faudra que l'on m'explique ce que ça veut dire: «le vrai monde». Merci. #danslesmédias
— marielouisearsenault (@mlarsenault) 20 novembre 2018
Permettez-moi de tenter une réponse.
Qu’est-ce que le vrai monde?
Tout d’abord, le vrai monde est une famille — papa, maman et un ou deux enfants. Le vrai monde est hétérosexuel, blanc, francophone et baptisé selon les rites catholiques romains. Bref, le vrai monde est pure laine. Le vrai monde n’habite pas dans le 514, il possède une voiture, souvent deux. Le vrai monde est salarié, il est généralement propriétaire d’une maison; derrière cette maison, il y a une terrasse et un barbecue au gaz; il n’est pas rare d’y trouver aussi une piscine hors terre. Le terrain du vrai monde est bordé d’une haie de cèdres.
Le vrai monde est dans la moyenne; il se situe vers le milieu de la courbe normale et son écart-type est minimal. Le vrai monde est représentatif de la majorité dans tous les sondages. Il est la cible de toutes les campagnes publicitaires.
Malgré tous ses efforts, le vrai monde n’est pas satisfait de sa vie. Il se considère d’abord et avant tout comme un contribuable, un payeur de taxes, un consommateur. Le vrai monde caresse un rêve : celui d’en avoir pour son argent. Le vrai monde fréquente le Walmart, il est détenteur d’une carte de crédit et participe à plusieurs programmes de fidélité. Le vrai monde est un consommateur averti, mais insatisfait. Il ne comprend pas que le nombre d’objets qu’il possède n’est pas directement proportionnel à son bonheur.
Le vrai monde a peur. Il a peur des Anglais et des étrangers. Il a peur de la différence. Le vrai monde craint de perdre son identité; il ne saurait pas expliquer ce qu’est exactement l’identité en général et la sienne en particulier, mais de la perdre lui semble la pire des catastrophes. Le vrai monde a peur que pendant qu’il dort, pendant que sa vie se déroule, des choses qui lui échappent viennent gruger son confort, sa sécurité et sa normalité. Le vrai monde est persuadé que c’était mieux avant.
Ajoutons que, par-dessus tout, et comme tout le monde, le vrai monde a peur de la mort. Corollaire : le vrai monde a peur de vieillir. Le vrai monde se déclare volontiers en faveur de l’économie de marché, mais tient en même temps pour acquis que le gouvernement le prendra en charge en cas de problème. Le vrai monde est un contribuable, nous l’avons dit, mais c’est surtout un bénéficiaire.
Le vrai monde, enfin, est le fantasme et la chimère des politiciens qui invoquent les vraies affaires et appellent au gros bon sens. Le vrai monde n’est pas le monde vrai. En effet, comme la classe moyenne et la majorité silencieuse, le vrai monde n’est qu’un poncif, une fiction et une dystopie.