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(Source Wikipedia) |
Il y a tout un sous-genre romanesque basé sur ce personnage d’un enfant, souvent rebelle, qui pense comme un adulte et porte un regard critique sur le monde qui l’entoure; un enfant clairvoyant, assuré, mûr, un peu philosophe. Or, mon enfance est d’une grande innocence. Elle baigne dans la candeur. Enfant, je n’étais doué d’aucune sagacité. Je ne portais pas de jugement sur les adultes. Je ne portais pas de jugement, tout court. J’allais à l’école, je suivais mes parents à la messe, je m’amusais à des jeux de mon âge. Je n’avais aucune capacité d’analyse, mon cerveau n’en était qu’à l’étape de l’acquisition des données et des réflexes de base. J’étais occupé à découvrir le monde et la vie; l’analyse viendrait plus tard, bien plus tard. Les mœurs des adultes demeuraient mystérieuses. Le fonctionnement de la société me passait à des kilomètres par-dessus la tête. Je n’ai que peu d’intérêt ou de patience pour ces super-enfants littéraires qui raisonnent et agissent comme des adultes. On aperçoit clairement l’auteur derrière le personnage, ses oreilles dépassent du masque. Les enfants, les vrais, n’ont jamais vu les rouages de l’horloge; ils n’ont jamais visité l’envers du décor ni les coulisses. Les enfants rebelles que j’ai connus étaient surtout troublés; ils ne faisaient pas la révolution : ils se débattaient dans la tempête. Les fanfarons n’auraient pas pu survivre sans adulte plus de vingt-quatre heures. Les petits Jos-connaissant répétaient le plus souvent ce que leur grand frère leur avait dit la veille. Les gamins ne sont pas des philosophes : ils échappent seulement à l’occasion des mots d’enfants.