21 juillet 2018

Passé simple (78) — Catalogues

(Source)



Il y eut une époque où la stratégie de marketing de certains détaillants d’importance s’appuyait sur la distribution de catalogues. C’était une pratique encore courante dans mon enfance. Ainsi, au moins quatre entreprises expédiaient chez nous d’épais répertoires de produits imprimés sur papier glacé. Il y avait d’abord Sears Canada, la filiale canadienne du célèbre distributeur américain du même nom. Ce détaillant vendait divers produits pour la maison, ainsi que des vêtements. Son catalogue pouvait être utilisé pour commander des articles par téléphone ou par la poste, la livraison s’effectuant dans divers points de chute régionaux. Sears possédait aussi un réseau de magasins à grande surface, intégrés à des centres commerciaux d’importance. Il y avait ensuite Distribution aux consommateurs, un détaillant offrant de la marchandise diverse et dont les magasins consistaient en un comptoir de service jouxtant un entrepôt. Les clients n’avaient pas accès aux articles, mais devaient consulter un des catalogues mis à leur disposition sur place pour faire leur choix. Ils devaient remplir un formulaire et le présenter à un commis au comptoir, qui se rendait dans l’entrepôt quérir les produits désirés. Il y avait aussi Radio Shack, détaillant de produits électroniques qui possédait un important réseau de boutiques au Canada. Enfin, il y avait Canadian Tire, seule société de cette liste encore en activité aujourd’hui, chaîne nationale de magasin offrant des produits pour la maison, des pièces automobiles et des articles de sport. Nous recevions ces catalogues par la poste à divers moments de l’année jugés propices à l’achat de marchandise : au printemps, à la rentrée des classes et avant Noël. Je ne vous dis pas les heures que j’ai passées à feuilleter ces publications, fantasmant sur des vélos à dix vitesses, des planches à roulettes, des kits de montages électroniques — 50-in-One, Police Radio Kit, Electronic Digital Computer —, des figurines, des pistes de course, des walkies-talkies, des caméras 8 mm, des montres à cristaux liquides, des magnétoscopes, et tous ces objets essentiels à l’atteinte d’une qualité de vie à la mesure du rêve américain, un rêve nord-américain qui était aussi en vigueur de notre côté de la frontière. Comment croire au Père Noël lorsque, dès son plus jeune âge, on a la preuve que tous les biens de consommation — et en particulier les jouets — sont offerts, photo, descriptif et prix à l’appui, dans des catalogues?