11 juillet 2018

Passé simple (75) — Cinéma

(Source)



D’abord, il y a la pénombre, ensuite, ces lumières animées sur l’écran, puis ces voix amplifiées et étrangement détachées de l’image, le son qui réverbère dans la pièce; on regarde autour et on voit les autres spectateurs, tous tournés dans la même direction, les yeux brillants, la face blanche, la bouche entrouverte. La découverte du cinéma marque l’esprit d’un enfant. Le cinéma, ce n’est pas la télé : la télé est intime, le cinéma, spectaculaire. Quel a été mon premier film? Il est arrivé à l’occasion qu’on nous projette un film à l’école primaire : la classe assise par terre dans la salle commune, le gros projecteur — probablement un seize millimètres — posé sur un chariot à roulettes, le rituel de l’installation de la bobine et du chargement de la pellicule, procédé qui semblait toujours laborieux, et l’image projetée directement sur le mur de la pièce; le problème, voyez-vous, c’est que je me rappelle de tous ces détails, le lieu, les préparatifs, l’atmosphère, mais je ne garde aucun souvenir des films qu’on nous a présentés. Sinon, au vrai cinéma, dans l’unique salle de l’unique cinéma qu’il y avait alors à Saint-Hyacinthe et qui était située dans le bas de la ville, où, à moins que je me trompe, on présentait le week-end des programmes doubles (mais peut-être que je me trompe), il me semble avoir vu quelques films américains niaiseux, dont plusieurs éminemment oubliables et d’autres plus connus, par exemple King Kong (1976), son gorille mécanique géant et, surtout, Jessica Lange qui a fait frémir mon petit cœur d’enfant de neuf ans très prépubère, ainsi que Rencontre du troisième type (1977) et ses effets spéciaux renversants (pour l’époque). Et, non, je n’ai pas vu Star Wars (1977) lors de sa sortie originale. J’ajouterai que cela ne m’a pas causé de traumatisme particulier.