23 juin 2018

Passé simple (71) — Ceci n’est pas une autobiographie




Une biographie réussie exige que le lecteur connaisse déjà le personnage principal et les grandes lignes de l’histoire de sa vie. Rien n’est plus inutile que la biographie d’un inconnu. Sauf, peut-être, l’autobiographie d’un inconnu. Ceci n’est pas une autobiographie. Il ne s’agit pas ici de moi. Je ne suis qu’un témoin: témoin pas très fiable, mais témoin quand même. Je vous dessine une lucarne donnant sur une époque révolue, je vous sers de périscope, je vous fais regarder par la serrure, dans l’interstice entre les planches, que vous puissiez entrevoir ce qu’était alors le monde ou en tout cas une toute petite partie de celui-ci. D’accord, microscope aurait sans doute été une meilleure métaphore. Je sais bien que partant de moi, ces textes sont teintés de mon expérience et de ma perception des choses. Les souvenirs ne sont jamais neutres, ils passent par le filtre éditorial du je. Ce qui n’aide en rien, j’ai pris le parti d’être fidèle à ce dont je me rappelle et de ne rien inventer. J’ai choisi le je sans fiction. Je conçois parfaitement ce qui fait le succès de l’autofiction, de ces livres dont on souligne abondamment la nature autobiographique, mais qui affichent crânement le mot Roman en première de couverture, un mot qui devient la licence pour débarquer de la track de la vérité ou en tout cas l’aveu qu’on n’hésitera pas à l’embellir un peu beaucoup. Pour tout dire, je ne suis ni stupide ni naïf : je continue à égrener ces bribes en sachant pertinemment que la franchise et l’humilité sont de bien mauvaises scénaristes.