Une composante essentielle de l’éducation d’un enfant consiste à lui faire apprendre par cœur des connaissances, pour remplir aussi vite que possible son petit crâne : les lettres, les chiffres, des listes de mots, leur orthographe, les tables de multiplication, la conjugaison des verbes, les continents, les pays, leur capitale, les paroles de comptines, les planètes du système solaire, ce genre de chose. De l’école primaire, je rapportais à la maison les corvées pédagogiques quotidiennes sous forme d’une page polycopiée à l’alcool qui répertoriait les devoirs — des exercices à réaliser — et les leçons — du savoir à apprendre par cœur. Ma mère me faisait patiemment réciter mes leçons à la table de la cuisine. Il est difficile de mémoriser des informations en vrac et qui ne semblent répondre à aucune logique. Quel lien relie le nom d’une capitale à celui d’un pays? Aucun, bien sûr. Au mieux, il fallait s’inventer des trucs mnémotechniques arbitraires. La voix hésitante, j’épelais les mots, me fiant à ma mémoire photographique autant qu’à mon instinct. Toutes ces facéties orthographiques, ces conjugaisons farfelues des verbes irréguliers qu’on m’enfonçait dans la tête! Je ne savais pas encore que je n’aurais pas assez de toute ma vie pour finir d’apprendre cette maudite langue française.