18 mars 2018

Passé simple (50) — Making of




Je continue d’avancer, mais c’est de plus en plus difficile. La matière n’est pas généreuse. Je me rends compte qu’il m’arrive souvent de revenir sur mes pas. Mon enfance est un bien petit filon. La mine s’épuise. Je refuse pourtant de tomber dans l’anecdote; ceci n’est surtout pas une autobiographie. Il n’y aura pas de personnages, pas de continuité, pas d’histoire. Vous ne saurez rien de mes sœurs et frères ou de mes amis, et pas grand-chose de moi. Mon projet est de faire un voyage dans le temps. Il s’agit de l’évocation d’une époque révolue, d’une tentative de décrire le monde d’alors tel que je le devine à travers le filtre de la mémoire, tel que je pense l’avoir vu. J’accepte le doute. Je refuse d’inventer pour faire intéressant. Je n’avance cependant pas à l’aveugle. J’ai consulté mes photos de jeunesse. Je fais pas mal de recherche sur des objets, des lieux, le contexte historique. J’y étais, bien sûr, mais ce que j’en ai perçu, ce qu’il m’en reste a besoin d’être corroboré. La mosaïque demeurera abstraite, décousue, j’en ai bien peur. Les pièces s’emboîteront tant bien que mal, mais — c’est une des règles du jeu — chacune doit se suffire à elle-même : un thème, quelques images, des impressions et, si possible, une chute. Sauf la présente rubrique qui, de chute, n’en aura point, à part peut-être pour vous avouer qu’en l’absence d’un plan, ne sachant trop où cette entreprise va nous mener, je me sens obligé de conclure bêtement par l’expression consacrée : à suivre.