23 février 2018

Passé simple (44) — Mouchoirs

(Source Wikipedia)



J’ai passé ma jeunesse à morver. Comme j’avais en permanence la guedille au nez, je traînais dans mes poches un mouchoir en tissus. Je perpétuais en cela une pratique paternelle venue d’un autre temps — permettez-moi de préciser qu’en plus de ces mouchoirs en tissus, on utilisait à la maison des mouchoirs de papier; on n’était quand même pas des amish. Un jour, constatant que mon affection nasale, quoique bénigne, semblait chronique, mes parents m’emmenèrent voir un médecin. Celui-ci prescrivit des tests d’allergies, dont les résultats s’avérèrent tous négatifs. Le médecin nous envoya consulter un oto-rhino-laryngologiste. En l’absence d’un mal clairement identifiable et pouvant faire l’objet d’un traitement curatif (voire palliatif), le corps médical se rabattit sur un diagnostic un peu vague en quatre mots : rhinite vasomotrice non allergique. Il n’y avait rien à faire, cela pourrait disparaître avec la puberté. Je continuai donc à me moucher. Je ne sais plus quand ni comment ma situation évolua pour devenir un simple cas de nez sensible au sec, à la poussière et au froid. Disons qu’encore aujourd’hui, la boîte de Kleenex n’est jamais très loin. J’étais en visite chez mes parents l’autre jour. Mon père essuie une goutte à son nez : il met la main à la poche de son pantalon et en sort un mouchoir de tissus plié en quatre. Ce geste banal, presque réflexe, et ce carré de tissu blanc m’ont fait faire un bref voyage dans le temps.