27 décembre 2017

Froid polaire




Ce matin, il ne fait pas que froid. Il fait un froid polaire. Dehors, tout est immobile, gelé sur place, à part bien sûr les voitures qui passent à l’occasion dans le chemin (pompeusement qualifié d’avenue). Parce que les voitures sont toutes puissantes, c’est pour ça qu’elles nous survivront. Ma blonde dort encore. Le chalet est rempli de silence, que le tic-tac d’une horloge et le clic-clac des touches de mon ordinateur. J’écris encore, je me suis dit, tiens, pourquoi pas capturer ce moment, ce froid glacial pour mon blogue, mais la question n’est pas tant pourquoi pas que pourquoi

Sur le tronc d’un des cèdres du chalet d’en face, il me semble voir un grand pic qui picosse. C’est bien un pic, il n’y a pas de doute, mais ça pourrait être un pic mineur, disons, il est un peu loin pour que je puisse l’identifier catégoriquement. Oui, je crois bien que c’est la houppette et le cou élancé caractéristique d’un grand pic. Il faudra que je pense apporter les jumelles au chalet, la prochaine fois.

Mon blogue compte bien peu de lecteurs. Pour vous donner une idée, voici ce que me dit Google Analytics. Je viens de publier ces derniers jours une série de sept textes. Dix-neuf lecteurs uniques ont lu le premier épisode de la série. Ils n’étaient plus que six à lire le dernier épisode. Selon le rapport de l’activité en temps réel, il y a actuellement « 0 utilisateurs actifs [sic] sur le site ».

La voisine d’en face vient de sortir de chez elle. Elle a monté dans son gros SUV et est partie. Le pic est disparu. Le ciel est bleu comme un froid polaire, la lumière a cette clarté particulière de ces journées d’hiver. Un autre oiseau non identifié plonge dans le branchage d’un arbre pour se cacher. Peut-être seulement un moineau.

L’expérience de mon blogue démontre que l’accumulation de textes sur le long terme ne fédère pas un lectorat. La patience et l’acharnement ne sont pas suffisants. Rares sont les humains qui fréquentent les blogues, ces sites de seconde zone (la preuve, on n’y trouve pas de publicité). L’humain, animal grégaire, se regroupe dans les réseaux sociaux. C’est d’ailleurs de là que vient la grande majorité du microlectorat de mon blogue. Mais les réseaux sociaux ne sont pas un outil de marketing magique et je ne suis pas dupe : les deux milles et quelques abonnés à mon compte Twitter ne sont pas là à attendre que je leur annonce que j’ai publié un truc dans mon blogue. D’ailleurs, la plupart sont sans aucun doute des comptes inactifs, des gens qui ont abandonné Twitter depuis longtemps.

J’entends bouger à l’étage. Ma blonde démarre son petit moteur. Un gros SUV passe dans le chemin. Puis un autre. Le frigo se met à vibrer, brise la quiétude. Je vais aller me faire un autre café.

Ce texte tire à sa fin. Il n’y a pas de morale, pas de conclusion. Il ne reste ici que toi et moi, cher lecteur. On se demande où tout ça va nous mener.