D’un côté du chemin, les champs cultivés font une courtepointe qui descend doucement dans la vallée jusqu’aux montagnes qui barrent l’horizon en couches superposées ; de l’autre, l’impressionnante crête rocheuse du massif El Torcal, en équilibre au sommet du coteau. Un paysage impressionniste tout en ocres, verts et gris, dominé par le bleu azur, celui d’un ciel d’été perpétuel. Des maisons blanches aux toits d’argile sont éparpillées un peu au hasard. Traversant ce décor, l’étroite route asphaltée zigzague d’une colline à l’autre, comme dessinée par un ingénieur fou. C’est dans ce coin-là de l’Espagne, dans la Cordillera Antequerana, tout près de Villanueva de la Conceptión, qu’on trouve le paradis. Nous y sommes pour quatre nuits.
Pour vous dire à quel point c’est tranquille, l’événement le plus significatif de la journée a été le passage devant la maison d’un troupeau de chèvres, annoncé par un tintamarre de clochettes et de bêlements. Il y a bien une voiture de temps en temps sur la route, un jappement de chien lointain, le chant d’un coq, toutes ces choses qu’on n’entend plus, tout absorbés que nous sommes par notre lecture (ou notre sieste).
L’heure de l’apéro s’étirera, nous grignoterons des olives, du jambon ibérique et de ce fromage de chèvre frais qui a (presque) la texture du fromage en grains de par chez nous. Plus tard, nous ferons griller le souper sur la braise du foyer extérieur ; le soleil déclinera jusqu’à ce qu’il fasse bel et bien nuit ; c’est alors qu’au-dessus de nos têtes s’allumera étoile par étoile la constellation du Capricorne.
Plus tard encore, nous nous mettrons au lit pour rêver à une volée de chèvres espagnoles traversant en formation un ciel de carte postale ; nous les poursuivrons en jappant pour les diriger par-delà les montagnes, vers une destination inconnue, mais qui nous semblera importante ; c’est à ce moment que nous nous rappellerons qu’il est temps de faire des provisions pour l’hiver, cet hiver qui s’amène trop vite, ailleurs, dans une vie parallèle.