J’essaie de me souvenir, j’essaie d’oublier. Je jette de brefs coups d’œil dans le rétroviseur, en faisant semblant de rien. Mon enfance est là, inévitable; elle me suit comme une ombre. Il y a chez moi des centaines de photos dans des albums que je n’ouvre jamais. Elles racontent une version de ma vie qui est faite d’une succession d’événements heureux, de ma naissance jusqu’au déclin de la photographie argentique. La suite est dans mon ordinateur. Chaque matin, je vois disparaître ma jeunesse sous les chairs molles, les rides et les cernes. Derrière les stigmates, il y a toujours moi, enfant. Dans mes affaires, sur ma peau, en moi : que je le veuille ou non, le passé est partout. Il est là, inévitable; il me suit comme une ombre. Une ombre qui grandit à mesure que décroît le soleil à l’horizon. En faisant semblant de rien, je jette de brefs coups d’œil dans le rétroviseur. J’essaie d’oublier, j’essaie de me souvenir. En vain.