— Un beau grand garçon!
— Ah! C’est plus un enfant, maintenant. Il vole de ses propres ailes.
— Qu’est-ce qu’il fait dans la vie, déjà, ton François-Kéveune?
— C’est un humoriste.
— Ah, un humoriste.
— Oui.
— Et il est drôle?
— Non.
— Il ne fait pas rire les gens?
— Oui, parfois, bien qu’il ne soit pas drôle.
— C’est paradoxal, ça. Comment peut-il être humoriste s’il n’est pas drôle?
— Je sais pas. Probablement parce qu’il a un diplôme en humour.
— Un diplôme en humour? Ça existe, ça?
— Oui. Ils ont une école. Un peu comme l’ENAP ou les HEC, mais pour la drôlerie plutôt que pour l’administration ou le commerce. Tu vois le genre?
— Je pense, oui.
— Comme l’école de police. Ou, l’ITHQ. Ou, euh…
— C’est bon, je pense que je vois ce que tu veux dire.
— Tu sais, il a un diplôme accroché au mur chez lui sur lequel il est écrit « Humoriste », alors on ne peut pas lui enlever ça, tu comprends?
— Hm, hm.
— Donc, bref, puisqu’il a un diplôme en humour, qu’il se présente comme étant un humoriste – il se fait appeler Kèv, tu t’imagines –, qu’il dit des trucs, euh, décalés, mettons, et qu’en sa présence, des gens rient parfois – pourquoi ils rient, ça demeure pour moi un mystère; peut-être sont-ils mal à l’aise à cause de ses propos décalés? –, bref, bien qu’il ne soit pas drôle, tout ça fait quand même de lui un humoriste.
— Eh bin. On peut donc être humoriste sans être drôle.
— Oui. Je suppose que c’est un peu comme un policier qui n’aurait jamais élucidé de crime.
— Hm, hm. Ou un romancier jamais publié.
— C’est ça. J’avoue que je suis mauvais juge, parce que les humoristes, je ne les trouve jamais drôles.
— Ah non? Jamais? Même ton François-Kéveune?
— Non, même lui. Rien à faire, ils ne me font pas rire.
— Je comprends ce que tu veux dire. Moi, c’est les clounes. Je les trouve épeurants.
— Oui, mais les clounes, c’est pas pareil : tout le monde a peur des clounes.