J’ai découvert Queneau vers vingt ans, par le biais d’un ami plus lettré que moi.
J’ai découvert Queneau, comme bien d’autres, par le biais des Exercices de style et de Zazie dans le métro.
Il y a quelque chose de Queneau qui m’a frappé, qui m’a touché, parce que dans les années qui suivirent, j’ai lu toute l’œuvre romanesque de Queneau.
C’était l’époque où je n’avais pas autant de responsabilités et où je n’avais pas continuellement l’Internet au bout des doigts; existait un vide, un silence; je me gavais de livres en papier; oui, je lisais beaucoup.
Il y a peu d’auteurs majeurs dont j’ai plus ou moins épuisé l’œuvre romanesque; j’ai toujours lu d’abord pour mon plaisir; je ne suis pas un lettré; j’ai fait des études en sciences.
Queneau m’a évidemment mené à l’Oulipo; j’ai eu une grosse période Oulipo; ça m’a fait découvrir plusieurs auteurs, en particulier Perec; j’ai jadis écrit, hanté par l’obsession de la contrainte; j’en suis bientôt revenu, de la contrainte à tout prix.
Voilà au moins vingt ans que je n’ai pas sérieusement lu Queneau; je ne sais pas si j’y retrouverais le même plaisir qu’hier; malgré tout, il ne fait aucun doute que d’avoir fréquenté Queneau aussi intensivement jadis ait eu sur moi une influence forte.
Je ne peux m’empêcher en cet anniversaire de sa mort de relire son poème L’instant fatal :
Quand nous pénétrerons la gueule ed' de travers
dans l’empire des morts
avecque nos verrues nos poux et nos cancers
comme en ont tous les morts
lorsque narine close on ira dans la terre
rejoindre tous les morts
après dégustation de pompe funéraire
qui asperge les morts
(etc.)
« C’est en écrivant qu’on devient écriveron », disait-il; c’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.