17 avril 2016

À chaque jour le même soleil

[Je me rappelle que j’étais assis sur un banc public dans le vieux Montréal, un banc qui longe la rue de la Commune et qui fait face au fleuve. Ce que je faisais-là, assis sur un banc dans un lieu aussi touristique, je ne me rappelle plus. Il me semble qu’il était tôt le matin, qu’il n’y avait pas grand monde et qu’il faisait beau soleil. À quelques mètres de moi, cette voie ferrée qui, un peu bizarrement, traverse le vieux port et qui, encore plus bizarrement, est encore en utilisation. J’étais assis là, j’avais du temps à tuer et la voie ferrée m’a inspiré des mots qui parlent de trains, des trains qui traverseraient un désert, un désert de l’Ouest, l’Ouest nord-américain. J’ai probablement alors sorti mon cahier pour noter ces idées (à l’époque, j’écrivais encore avec un crayon dans un cahier, lequel je traînais toujours avec moi pour noter à tout moment les idées qui me viendraient à l’esprit; c’était avant l’ère des téléphones intelligents). Je crois que c’est comme ça qu’a commencé l’écriture de cette chanson. Comme d’habitude, je suppose que le texte a pris des mois pour évoluer de cette première idée (une ou deux phrases) à une version définitive. En fait, pour être honnête, je ne peux même pas jurer que ce souvenir soit authentique. Peu importe. Restent les mots et la chanson.]



À chaque jour le même soleil


J’en ai vu passer des trains, ah, pour ça j’en ai vu
Du fret, du passager, des à l’heure pis des en retard
J’en ai vu des trains, j’en ai vu
Un tremblement de terre au village à chaque jour à huit heures moins quart

J’en ai vu passer des bosquets roulants, ah, pour ça j’en ai vu
Ça passe en coup de vent, ça vient de nulle part, détournement de courant d’air
Des bosquets roulants, j’en ai vu
Ça transporte la rumeur de drames vécus d’aussi loin que le fond du désert

J’en ai vu passer des filles de joie, ah, pour ça j’en ai vu
Des belles, des laides, des sentimentales, pis d’autres qui ont l’air de rien
Oui, des filles de joie, j’en ai vu
Elles pensent bin faire, on pense bin faire, mais ça fait plus de mal que de bien

        À chaque jour le même soleil se lève derrière la même colline
        À chaque jour le même nuage apporte le même espoir de pluie
        Tant qu’il y aura des femmes pis tant qu’il y aura d’la robine
        Y a pas d’bonheur, y a pas d’malheur, y a juste la vie qui se poursuit...

J’en ai vu passer des caravanes, ah, pour ça j’en ai vu
Ça va lentement, au gré des bêtes, y en a qui s’arrêtent, d’autres qui continuent
Oui, des caravanes, j’en ai vu
Des étrangers qui pensent trouver chez vous c’que tu cherches même pus

J’en ai vu passer des colporteurs, ah, pour ça j’en ai vu
Des honnêtes, des malhonnêtes, mais les peddlers sont tous menteurs
Oui, des colporteurs, j’en ai vu
Ça vient t’faire croire qu’ils ont c’qui manque à ton bonheur

J’en ai vu passer des morts, ah, pour ça j’en ai vu
Des morts en duel, des agonies, des p’tites morts, pis des terminus
J’en ai vu des morts, j’en ai vu
Mais qu’est-ce que tu veux, à chaque jour on meurt un p’tit peu plus

        À chaque jour le même soleil se lève derrière la même colline
        À chaque jour le même nuage apporte le même espoir de pluie
        Tant qu’il y aura des femmes pis tant qu’il y aura d’la robine
        Y a pas d’bonheur, y a pas d’malheur, y a juste la vie qui se poursuit...






Paroles: N. Guay
Musique: S. Caron, N. Guay
© 2002, CQFD