14 novembre 2015

Lancement virtuel




(La scène se passe dans une librairie indépendante virtuelle.)


Un animateur semi-connu du monde des médias québécois (appelons-le Chose, ça sera moins long) — Bonsoir à tous et bienvenue à ce lancement virtuel du nouveau livre de Nicolas Guay intitulé Comme un léger malentendu, publié au Machin à écrire. Nous vous proposons un bref entretien avec l’auteur. Nicolas Guay, bonsoir.

N.G. — Bonsoir.

Chose — Ce livre est un recueil de textes parus dans votre blogue, Le machin à écrire, c’est bien cela?

N.G. — Oui. J’ai voulu reprendre les meilleurs textes en prose publiés dans mon blogue depuis ses débuts, les réviser et en faire un livre. Ça donne un recueil de courtes nouvelles et de fragments.

Chose — D’accord. Donc, ces textes ont tous déjà été publiés gratuitement dans votre blogue. Et vous tentez maintenant de les vendre sous forme de recueil. Pourquoi pas publier vos tweets, tant qu’à faire?

N.G. — Euh, bin, en fait, c’est exactement ce que j’ai fait avec mon premier livre, intitulé L’insoutenable gravité de l’être (ou ne pas être).

Chose — Ah. D’accord. Bien sûr. Et quel est votre prochain projet? Une compilation de vos listes d’épicerie? Un compendium de vos meilleurs courriels? Un ana de vos moins bons calembours?

N.G. — Euh, non, non. Par contre, comme j’ai pondu bien d’autres choses depuis la création du blogue, je crois avoir encore du matériel publiable pour d’autres livres à venir. Enfin, on verra.

Chose — Votre livre est publié à compte d’auteur. Pourquoi?

N.G. — Mes tentatives d’envoi de manuscrits à des éditeurs ont jusqu’à maintenant été vaines. Comme j’ai de plus en plus de cheveux gris et une seule vie à vivre — et comme je suis persuadé en toute humilité que ces écrits sont tout à fait valables et méritent de devenir un livre — j’ai décidé de cesser d’attendre après les autres et de m’occuper de mes affaires.

Chose — Nous nous trouvons ici dans une librairie virtuelle pour un lancement virtuel. Nous ne sommes nous-mêmes que des avatars. Ça vous suffit, de n’être qu’un auteur virtuel? Ne préféreriez-vous pas être un vrai auteur?

N.G. — Ma situation d’auteur virtuel n’est évidemment pas idéale, mais je m’en accommode. En principe, quand on lit, on se fiche pas mal de l’auteur. Le lecteur est censé lire un texte, pas un auteur. Je dis ça, mais je ne suis pas naïf : je sais bien que l’auteur, surtout l’auteur à succès, est un produit autant sinon davantage que son œuvre. On lit Untel ou Unetelle. On l’achète parce qu’on voit son nom sur le bandeau rouge installé sur la couverture ou parce qu’on a lu un article à son sujet dans le journal. On invite l’auteur dans les émissions de cuisine, dans les talk-shows du matin, on l’interviewe dans les magazines féminins. L’auteur à succès, comme toute autre vedette, devient sa propre mascotte. Tout le monde connaît son nom, certains ont acheté son dernier bouquin, mais pas grand-monde ne l’a lu. On se demande même comment le ou la pauvre fait pour trouver le temps d’écrire avec un emploi du temps si chargé. Pour ma part, je ne suis qu’un avatar; pire : l’avatar d’un non-écrivain. Je n’existe que dans le Web, et encore. Néanmoins, les quelques lecteurs qui m’y retrouvent me permettent de me prendre sporadiquement pour un quasi-écrivain. Le reste du temps, je vaque à mes occupations normales.

Chose — Pourquoi ce titre : Comme un léger malentendu ?

N.G. — Le titre s’est en quelque sorte imposé de lui-même. Une fois les textes rassemblés, j’ai remarqué que le thème de l’imbroglio revenait assez souvent. Un genre d’obsession personnelle, sans doute. Mais rien qu’une bonne psychanalyse ne puisse pas régler.

Chose — Ha! Ha! On vous le souhaite. Maintenant que vous publiez ces textes sous une forme révisée, que va-t-il advenir d’eux dans votre blogue ?

N.G. — J’ai hésité à les retirer. J’ai hésité à les mettre à jour. J’ai finalement décidé pour le moment de les y laisser en l’état, avec toutes leurs imperfections. C’est évidemment absurde puisqu’ils sont ainsi exposés à la vue de tous (et des moteurs de recherche), alors que les textes révisés sont confinés au livre et deviennent ainsi moins accessibles. Mais c’est aussi conforme à la nature du blogue, qui est un carnet, un instantané des trucs que j’écris. En définitive, le monde virtuel et la réalité ont cela en commun : la littérature se met à exister que lorsqu’elle est publiée dans des livres.

Chose — Hum. Pas certain de vous suivre, mais passons. Un dernier mot en terminant ?

N.G. — Je voudrais remercier les lecteurs, réguliers ou non, du Machin à écrire. Sans eux, évidemment, on ne serait pas ici (c’est-à-dire dans cet ici virtuel) aujourd’hui. L’an prochain, ça fera dix ans que j’alimente cette machine infernale; malgré les doutes, tant que je continuerai d’avoir des lecteurs, je continuerai de taper du texte.

Chose — Hmm. Est-ce une menace ou une promesse?…

N.G. — Pardon?

Chose — Non, rien. Je pensais tout haut. Eh bien, Nicolas Guay, nous vous souhaitons bien du succès avec ce nouveau livre. Chers amis, ainsi s’achève cet entretien. Nous vous invitons à rester des nôtres pour célébrer ce lancement comme il se doit avec un cocktail dînatoire virtuel, lequel sera accompagné de champagne non moins virtuel. Bonne fin de soirée à tous !

(L’assistance virtuelle applaudit mollement et se précipite sur le buffet.)


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Le machin à écrire vous présente Comme un léger malentendu, recueil de versions revues et corrigées de courtes nouvelles et autres fragments publiés par Nicolas Guay de 2006 à 2014 dans son blogue Le machin à écrire.

Veuillez vous rendre sur la page de présentation du livre pour tous les détails.