— Bin non.
— On n’aime donc pas la chicane.
— Qu’est-ce que tu racontes.
— On est incapable d’argumenter! On veut pas froisser les autres, on veut pas leur faire de la peine.
— Arrête donc. Les Québécois ne disent jamais non à une bonne obstination.
— Regarde sur les plateaux de télé. Les questions sont complaisantes, les invités sont tous d’accord entre eux. C’est pathétique.
— C’est pas vrai.
— Alors qu’en France, les gens peuvent ne pas être d’accord, discuter vigoureusement et aller prendre un pot ensuite.
— Ce que tu dis est sans fondement. Tu ne fais que répéter des lieux communs.
— Pas du tout.
— Depuis toujours, les Québécois se disputent sur l’indépendance et le fédéralisme, la gauche et la droite, la religion, la langue, l’environnement. Non, les Québécois débattent comme tout le monde.
— Au contraire. La preuve : les Québécois sont les champions des consultations publiques et des tables de concertation. On zigonne, on cherche toujours le consensus.
— Il y a des consultations publiques dans toutes les démocraties. C’est tout à fait normal. En plus, notre système politique basé sur le bipartisme assure une vigoureuse opposition au gouvernement. Notre société est tout à fait apte à l’autocritique et les gens, à confronter leurs vues. Cette idée reçue des Québécois qui ne discutent pas ne correspond pas non plus à mon expérience des soupers de famille ou des souper entres amis, où on ne se gêne pas pour parler fort.
— Voyons donc! Tout le monde le dit, qu’on est consensuels!
— Eh bien, il semble que tout le monde se trompe. D’ailleurs, que fait-on depuis cinq minutes? On confronte nos idées.
— C’est ça, Monsieur-Je-Sais-Tout, pas moyen d’avoir une conversation avec toi.
— Je ne fais qu’argumenter, c’est tout.
— Gna-gna-gna…
— Bon, maintenant qu’on a discuté vigoureusement et que tu t’es rallié à mon opinion, on va prendre un pot?
— Va chier.
— Ah, t’es tellement conflictuel! C’est pas possible!