10 juin 2015

Science-fiction

Déjà, l’uniforme aurait dû me mettre la puce à l’oreille : un vêtement une pièce en tissu synthétique rappelant les survêtements de sport des années soixante. Mais, bon, on ne s’arrête pas à ces détails-là quand on est enrôlé comme membre d’équipage d’une expédition intergalactique.

J’avais réussi tous les tests et l’entraînement réglementaire. Comme le reste de l’équipage, on me mit en hibernation avant le décollage. Ce n’est que vingt-quatre mois plus tard qu’on nous réanima pour la phase cruciale de notre mission.

Enfin sorti du sarcophage, je pris une douche et enfilai mon uniforme. J’étais prêt à jouer mon rôle dans cette épopée spatiale inédite. Mais les choses allaient vite se gâter.

Je fus d’abord surpris, débarquant dans le cockpit, de découvrir que le tableau de bord de l’appareil était équipé d’écrans cathodiques. Comment se faisait-il que ce vaisseau fût doté d’une technologie d’un autre âge? Je découvris bientôt que ce problème était généralisé.

Je constatai que l’immense vaisseau était exclusivement éclairé à l’aide d’ampoules à incandescence. Il y avait ces stations d’intercom utilisant des combinés téléphoniques. Il y avait les énormes pistolets laser que nous portions à la taille. Il y avait le mobilier de fibre de verre. Il y avait ces bloc-notes en papier sur lesquels on écrivait au crayon à mine. Il y avait aussi la voix nasillarde de l’ordinateur de bord et sa propension à rouler les R qui me faisaient franchement douter de sa nature cybernétique.

Tout cela me semblait louche. Je fis comme si de rien n’était, mais je n’en pensai pas moins. Jusqu’au jour où une créature extra-terrestre s’infiltra dans notre vaisseau. Les membres de l’équipage se mirent à disparaître un à un, ne laissant derrière eux qu’une flaque d’une matière rougeâtre ayant plus l’apparence du ketchup que de l’hémoglobine. Les témoins oculaires peinaient à nous décrire le monstre, expliquant que celui-ci se déplaçait très vite et qu’on ne le rencontrait que dans les recoins les plus sombres. Tout au plus était-il question d’un être humanoïde ressemblant vaguement à un lézard.

Tout l’équipage fut bientôt décimé, sauf moi. J’errais dans le vaste vaisseau, désirant en finir avec le monstre. J’eus l’intuition que je ne manquerais pas de le rencontrer si j’allais me balader dans les endroits les plus obscurs et lugubres de l’astronef. J’avais vu juste : j’étais dans la salle des machines depuis à peine cinq minutes lorsque j’entendis des bruits suspects. L’instant d’après, l’extra-terrestre apparut devant moi.

Il s’agissait effectivement d’un humanoïde à la peau écaillée. Lui faisant face, je m’avançai prudemment dans sa direction, jusqu’à ce que je ne sois plus qu’à quelques pas. À cette distance, il devenait évident qu’il ne s’agissait que d’un type dans un costume de caoutchouc. Cette histoire devenait complètement ridicule.

Je rengainai mon pistolet-laser et le laissai venir à moi.