Le food court est aussi un bel exemple de l'écologie commerciale occidentale. Au pourtour de l'espace où le public se nourrit, de petits comptoirs thématiques aux logos multicolores se succèdent : un Chinois, un Libanais, du fast-food, des hamburgers, du tex-mex, de la pizza, des paninis, etc. Malgré la fausse apparence de variété, pas une de ces échoppes n'est une entreprise indépendante : il ne s'agit que de franchises contrôlées par deux ou trois chaînes tentaculaires. Ce n'est donc pas pour rien que le couscous du Libanais goûte la même chose que le chow mein du Chinois.
Rien n'est plus triste qu'un food court. Sauf peut-être un food court vide à l'heure du souper, en semaine, alors que les occupants du centre-ville sont tous retournés chez eux. De petites tables et des bancs vides qui s'étendent à l'infini, de rares clients, un employé qui passe la vadrouille. C'est à cette heure-là que le faux verni de gaieté de toutes ces marques de commerce laisse voir ce que ce lieu a de sinistre. On remarque alors que les petites tables sont en mélamine graisseuse, que l'odeur mêlée de toute cette bouffe est écœurante et que les plantes n'ont l'air que de ce qu'elles sont : des plantes en plastique. On garde alors le nez dans son journal, on mastique et on avale, on tente d’oublier où on se trouve et ce qu'on mange, parce que manger n'est pas seulement un plaisir, c'est aussi en fin de compte une question de survie.