28 mars 2015

Claude le cow-boy

Claude portait des favoris et des chemises de cow-boy — pas des trucs carreautés, mais d’authentiques chemises de cow-boy avec broderies bizarres sur le devant et boutons nacrés — alors que le pauvre était né sur le boulevard Hochelaga et n’aurait pas su différencier la tête du cul d’un cheval. C’était un genre de cow-boy de la ville, de ceux qui roulent en vieille minoune des années 80, une berline américaine longue comme ça avec des sièges en velours beige usé, un cow-boy dont l’authenticité ne tenait au fond qu’à sa connaissance encyclopédique de la musique western du terroir et des grands classiques américains. Le reste n’était que poudre aux yeux : son toupet, ses favoris, ses santiags, les cigarettes qu’il roulait à la mitaine, tout ça. Ce n’était qu’un ex petit punk qui, en vieillissant, s’était tranquillisé et avait adopté avec enthousiasme un autre genre musical pointu et mal aimé. Parce que disons-le tout net : malgré l’allure, malgré les goûts musicaux, pas un seul vrai de vrai cow-boy gagnerait sa vie comme commis-comptable dans la fonction publique municipale.


Claude possédait une collection impressionnante de vieux vinyles westerns, tous horriblement rayés, qu’il nous imposait en début de soirée. Heureusement, après quatre ou cinq shots de Jack Daniel’s, il oubliait vite ses velléités de DJ décalé et quelqu’un prenait la relève avec des trucs plus digestes, comme du trip-hop ou du techno-lounge qui fait bouip-bouip et favorise la conversation.