Après un rude hiver et alors que sévit un printemps de merde, il allait presque de soi que la plus longue sortie de mon entraînement pour le Marathon d’Ottawa tombe pile sur une journée de pluie. À ce point du programme, pluie ou pas, il faut y aller, il n’y a plus d’excuse possible, l’heure n’est plus à la procrastination. On commence même à sérieusement regretter les quelques incartades commises plus tôt dans l'année. C’est donc sans grand enthousiasme que je me suis farci presque trois heures de course sous la pluie, à 8 degrés, à éviter les lombrics qui faisaient des étirements sur le trottoir. On ne se rappelle plus la dernière fois qu’on a couru sous les rayons du soleil. On se fait une bulle, on la remplit de musique, on met un pied devant l’autre et on laisse son esprit vagabonder.
Le futur marathonien du dimanche suit docilement son programme. Il sait par ailleurs que cet entraînement, l’accumulation des kilomètres, les efforts en puissance et les longues sorties ne sont qu’un vague avant-goût des difficultés qui l’attendent. Aujourd’hui, c’est la dernière longue sortie. Le coureur du dimanche avance, tente de maintenir la cadence, à l’affut de ses réserves d’énergie. Son fidèle nerf sciatique l’accompagne une bonne partie du trajet. Au retour, alors qu’il ne reste que quelques kilomètres à faire, ses jambes s'alourdissent. Ce n’est pas de la douleur, c’est un potentiel de douleur, c’est une raideur, une fatigue qui le possède peu à peu. Arrivera-t-il à courir plus vite cette même distance et avoir suffisamment de réserves pour faire les 10 ou 12 kilomètres qui le sépareront encore du fil d'arrivée? Un premier marathon n’est pas une certitude.
Le mental tient bon. J’ai la chienne, bien sûr, et je sais bien que la peur augmentera à mesure qu’approchera l’épreuve. On n’a plus vingt ans. On n’a pas que ça à faire dans la vie, courir. Les champions sont certes une source d’inspiration, mais ils sont dans une classe à part, leur sport porte le même nom, mais est bien différent. Les champions courent à peu près deux fois plus vite que moi. Il faut relativiser ses ambitions. Terminer, déjà, peut-être se retrouver près de la médiane de ma catégorie d’âge? De toute façon, il faut continuer à suivre docilement le programme, dont l’intensité diminuera maintenant jusqu’au jour J. Il faut garder confiance. Je regarde le chemin parcouru, au propre comme au figuré, depuis le début de l’année et je dois me rendre à l’évidence que je ne suis pas tout à fait le même coureur qu’à cette époque. Suis-je un marathonien? C’est ce qu’on saura dans trois semaines.