Les voyages impliquent des processus simples mais lents; ils sont faits d'attente, de transit, de queues, de vérifications, de procédures, d'attente encore. Pendant ce temps, le voyageur niaise. Il lit le journal, pitonne sur son téléphone, fixe sans grand intérêt des écrans de télévision, se ronge les ongles, somnole. Le voyageur n'est qu'une marchandise qu'on transporte, il n'a qu'à subir et rester docile.
Un vol nolisé pour l'Europe. Il faut s'enregistrer 3 heures avant le départ donc partir de la maison bien d'avance, question d'avoir le temps de rouler jusqu'à l'aéroport, se garer, prendre la navette qui relie le stationnement à l'aérogare, s'enregistrer, passer les contrôles de sécurité. On patiente. A-t-on le choix? L'embarquement interminable, la préparation au décollage. Les presque huit heures de vol.
Les vols avec escale, leur attente de plusieurs heures entre deux segments, ajoutent au supplice. Devoir s'occuper pendant 5 heures dans l'aéroport de Francfort, disons, après avoir déjà subi un vol transatlantique: comment survivre à ce genre de supplice? Le voyageur devient prisonnier, il fait son temps dans ce purgatoire pour âmes en peine, n'a plus l'énergie pour lire, écrire ou faire quoique ce soit de moindrement intellectuel, il git, inerte sur un fauteuil, le regard vide, son bagage à main à ses pieds, dans le troupeau de voyageurs parqués comme lui, épuisés, morts-vivants.
Après un long périple, de longues heures à poireauter, le voyageur arrivera finalement à destination. C'est à ce moment, et à ce moment seulement, que son voyage débute. L'attente terminée, le voilà qui reprend vie. Mais il faudra bien un jour qu'il rentre à la maison: le pauvre a déjà oublié mais il ne paie rien pour attendre.