20 octobre 2013

Carnet de voyage

[J'aurais probablement pu touitter ça au fur et à mesure, mais pour diverses raisons, j'ai plutôt choisi d'en faire la collection ici. Comme c'est souvent le cas dans ce blogue, la destination n'a que peu d'importance; dans ce cas, disons simplement: en divers endroits de l'Italie, en octobre.]




Dans l'avion, une femme va aux toilettes en portant autour du cou son oreiller gonflable. J'adore cette femme.

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Dans les sites de réservation d'hôtels, élégant veut dire rococo.

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Ça n'a rien à voir avec le Syndrome de Stendhal, je cogne simplement des clous après m'être assis dans une salle du musée.

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Plus on est loin des grands centres et plus il devient évident que l'attribution de la troisième étoile d'un hôtel est parfaitement arbitraire.

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Toutes ces boutiques, ces grandes marques, toutes les mêmes, dans toutes les capitales: c'est la pradaïsation de l'Europe.

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Cet hôtel a bel et bien du Wi-Fi, il suffit simplement de s'installer au bon endroit dans le lobby et d'orienter son téléphone de la bonne façon.

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Sur ce petit paquet de mouchoirs de papier, le nom du produit est inscrit dans dix-huit langues. Dix-huit.

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Post-modernisme: les touristes qui utilisent leur iPad comme un appareil photo géant.




Voyage de culture et de découverte, je veux bien, mais un peu de ciel bleu et plus de dix-huit degrés pour une petite journée, ça ne serait pas de refus.

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Par temps clair, on peut voir jusqu'aux Alpes. Les anciens du village s'en souviennent, la dernière fois que c'est arrivé, c'était en 1951.

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« Je préfère le Bellagio de Vegas. D'abord, t'es à l'air climatisé. Pis c'est bin plus propre. »

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Heureusement que nous avons apporté notre Guide pratique des 1000 mots les moins utilisés de la langue italienne.

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« Au moins, il ne pleut pas », dit-il au moment précis où l'averse éclata.

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Il faut parfois savoir partir loin de chez soi pour enfin se redécouvrir (et écrire des lieux communs).

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Les Américains qui voyagent en Europe ne se rendent pas compte que chaque pays possède sa langue; pour eux, chaque pays a son accent anglais bizarre.

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Difficile de croire que les gens de ce pays ne boivent que les petits vins produits ici, alors que des régions voisines font de grands crus. Bien sûr, ce petit vin, ils l'achètent en vrac à leurs copains du village (ou du village d'à-côté), il leur coûte trois fois rien. Bien sûr, terroir et traditions obligent, c'est le petit vin du pays qu'on trouve partout; selon le mythe du terroir (on a envie de parler de dogme), les olives produites sur le coteau et le fromage fait avec les vaches du comté se marient par-fai-te-ment au petit vin du pays. Pourtant, le doute demeure: chez eux, loin du regard des touristes, que boivent les gens de ce pays: la piquette locale ou le vin de qualité élaboré à peine cent kilomètres plus loin?

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Même en 2013, la science derrière la fermeture d'une porte de douche demeure un mystère pour bien des hôtels européens.




Jamais autant qu'en voyage utilisons-nous des mots comme abside et retable.

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Il me semble que le funiculaire est un moyen de transport injustement sous-estimé.

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On dit « Au moins, il ne pleut pas » et plus tard, on dira « Il fait presque beau ». Le temps n'en demeure pas moins désespérément gris.

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MOI — Buenas noches.
ELLE, chuchotant — Il ne faut pas dire buenas noches mais buonanotte.
MOI — Rhô, c'est pareil.

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Selon mon estimation, il y a actuellement deux fois plus d'Allemands que d'Italiens en Italie.

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Il est dix-huit heures, le clocher sonne frénétiquement un nombre impressionnant de petits coups (on ne réussit pas à les compter, mais il y en a beaucoup plus que six ou même dix-huit). Le soleil est passé derrière le cap qui ferme la baie et un vent frais souffle des terres. L'écho des vagues qui se brisent accompagne l'apéro. L'horizon se teinte de jaune. Le rideau tombe lentement sur cette journée de beau temps tant espérée.

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La gentille jeune femme de la réception de l'hôtel parle comme une animatrice d'émission pour enfants. J'arrive presque à saisir dix pour cent de ce qu'elle dit.

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ELLE — Tu vois bien que tu comprends l'italien.
MOI — Ah oui, ça, le dix pour cent que je comprends, je le comprends parfaitement.

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La pluie qu'on voit tomber le long des golfes gris (sur un air connu)

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Le recto de la carte postale est le côté texte, pas le côté photo.

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La fin d'un voyage est faite de sentiments mêlés: on voudrait que les vacances ne finissent plus, mais on a déjà hâte d'être rentré. Le stock de sous-vêtements propres s'épuise, les derniers apéros sont chargés de mélancolie. Il sera bientôt temps de passer d'un automne méditerranéen à l'automne québécois, plus rude. Il sera bientôt temps de revenir à une certaine réalité.

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Ce dernier coucher de soleil emporte avec lui un morceau de notre vie. On a beau le photographier sous toutes ses coutures, ça ne reviendra jamais.