L’humidité est étouffante dans les souterrains. Le métro est bondé; je dois laisser passer une rame puis une autre avant de pouvoir monter. Lorsque la suivante arrive, je décrète qu’il y assez de place pour une personne de plus, je joue du coude et réussis tout juste à tenir à l’intérieur du wagon alors que les portes se referment à quelques millimètres de mon nez. J’appuie ma main sur la porte pour éviter de m’y aplatir, poussé par la masse des voyageurs qui occupe l’espace derrière moi. Ainsi coincé, j’attends patiemment que le supplice prenne fin et que ce petit train infernal veuille bien me porter à ma destination. Une réunion importante m’attend au bureau à neuf heures pile. Mauvais jour pour devoir porter un complet; dans les profondeurs du métro, la température est tropicale et ma chemise me colle à la peau. J’espère que je n’aurai pas trop l’air d’un clochard devant le client. Le flux et le reflux des gens qui entrent et sortent à chaque station finissent par me repousser vers le fond de la voiture. Arrivé à destination, je dois me faufiler nerveusement au travers du troupeau pour réussir à m’extirper du wagon. À la surface, l’air est à peine plus respirable. Le ciel est gris, la brise chargée d’humidité. Rien pour faire sécher la sueur qui perle sur mon front, dans mon col, le long de mon dos. Pressé, je marche d’un pas athlétique, ce qui n’arrange pas les choses.
J’arrive au bureau un peu juste. Pas le temps d’attraper un café. Je me rends directement à mon cubicule sans dire bonjour à quiconque, démarre mon ordinateur, patiente pendant la longue séquence d’initialisation, l’œil collé à ma montre. C’est maintenant devenu une fatalité : j’arriverai avec au moins cinq minutes de retard. Il faut pourtant que je vérifie que cette présentation que j’ai préparée vendredi dernier est bien fonctionnelle et complète : il s’agit d’un de ces diaporamas PowerPoint composé de listes, de tableaux et de diagrammes mettant en scène des rectangles et des nuages reliés par des flèches. L’ordinateur devient enfin fonctionnel et, le regard brouillé par la panique, je me limite à une revue du document aussi superficielle qu’inutile. Il n’y a plus le temps. Je cours littéralement jusqu’à la salle de conférence et y débarque mon ordinateur sous le bras, un calepin à la main, les traits tirés, les cheveux humides, en balbutiant un mélange de salutations et d’excuses.
C’est alors que je me rends compte que dans ma précipitation, j’ai complètement oublié d’apporter le projecteur.