Supposons que vous ayez réussi. Que vous soyez riche et célèbre. Qu’on vous invite, moyennant un juteux cachet, à prononcer un discours dans le cadre d’une conférence sur la créativité, l’innovation et le commerce. Que diriez-vous à la foule de disciples venus vous entendre? Vous seriez déjà arrivé, déjà millionnaire. Votre succès n’aurait pas grand-chose à voir avec la créativité ou l’innovation, mais surtout à votre chance et à votre persévérance. Mais surtout au hasard. Vous feriez quand même semblant que tout cela était voulu, que votre réussite ne tient qu’à votre volonté et ce truc miracle que vous avez développé et appliqué avec art. Ce qui serait bien entendu complètement faux. Vous diriez quand même qu’il y a une recette, que vous connaissez cette recette et que si n’importe quel quidam, par exemple quelqu’un dans l’assistance, suivait ce procédé, il deviendrait lui aussi riche et célèbre. Au fond, on ne vous aurait invité à cette conférence que parce que vous êtes millionnaire. C’est cette qualité et celle-là uniquement qui ferait de vous une personne intéressante. Sinon, vous ne seriez pas conférencier dans ce congrès sur la créativité, l’innovation et le commerce, n’est-ce pas? Tandis que votre discours fait de slogans creux semblerait porté par une vision optimiste de la vie, ce que vous communiqueriez à la foule de wannabes rassemblés ne se résumerait au fond qu’à une seule question : « Comment se fait-il que vous ne soyez pas tous comme moi, riches, célèbres et formidables, pauvre bande de minables? »