Voilà. Le texte est là, 4000 mots, j'en relis des passages, je retranche puis remets une virgule, je change un mot, ce n'est qu'un petit animal mort que j'ausculte sans éprouver aucune émotion, une chose inerte, recroquevillée, on n'est plus tout à fait sûr si ça respire encore. Qui voudra de ce cadavre qui commence déjà à dégager des odeurs, qui pourrait s'y intéresser quand moi-même je le considère avec un parfait détachement, le poussant du bout du pied en faisant la moue, déjà prêt à aller chercher un sac poubelle pour le faire disparaître? Ce texte n'est plus qu'une vieille nouvelle, un nouveau fond de tiroir. J'ai un peu honte. Que faire de ce truc trop long pour mon blogue, trop court pour être proposé à une revue, non mais qu'est-ce que je raconte, pour qui je me prends, ça ne survivrait pas trente secondes au sens critique d'un lecteur professionnel. L'absence d'intrigue, de style, de chute, de procédé à la mode: tout est déficient dans ce texte.
Ma langue n'est pas somptueuse, elle est fastidieuse.
L'artiste, le vrai, est la rencontre de deux choses: d'une part la conviction profonde, furieuse du bien-fondé de son art, d'autre part un talent plus ou moins spontané, mais bien réel. Son talent lui permettra de créer une oeuvre, ses certitudes, d'avoir les couilles de la faire reconnaître et durer. Moi, je ne suis qu'un tâcheron qui doute. Même 4000 mots, surtout 4000 mots plus tard.