27 janvier 2012

Une belle liste (biblique)

Le lecteur qui fréquente à l'occasion ce blogue aura sans doute remarqué ma légère compulsion pour les listes (sous contrôle, je vous rassure). En effet, je l’avoue, j’appréhende souvent le monde sous forme de listes. Est-ce un effet secondaire de mon esprit analytique et cartésien? Sans doute. J’apprécie aussi le rythme de la liste, qui induit une certaine poésie. Bien que j’aime colliger des listes, dont certaines ont tout naturellement trouvé leur chemin jusqu’à ce blogue, je n’apprécie pas nécessairement celles des autres et, non, je n’occupe pas par exemple mes temps libres à lire l’annuaire téléphonique ou d’anciennes tables de logarithmes (une forme ancienne du livre numérique). Ce qui ne m’empêche pas de reconnaître et d’apprécier une belle liste. Ainsi suis-je tombé aujourd’hui par hasard, en parcourant la bible, sur ce superbe spécimen. (La bible? Eh oui, il m’arrive parfois de lire la bible; par exemple, l’autre jour, je me suis tailladé le pouce en coupant un rutabaga, j’ai dû me rendre à l’urgence, j’y ai attendu onze heures pendant lesquelles j’ai eu notamment le temps de lire tous les évangiles ainsi que les livres deutérocanoniques , ce qui eut sur moi le même effet qu’une session d’hypnose, me permettant d’oublier l’attente interminable, ma douleur, les geignements de mes voisins dans la salle d’attente, ainsi que l’odeur de la vieille femme assise à côté de moi; bref, ces effets analgésiques et cataleptiques me permirent de tenir le coup jusqu’à ce qu’un médecin m’ausculte et me demande avec mépris ce que j’étais venu faire à l’urgence pour une telle coupure superficielle, ajoutant que je n’avais pour me soigner qu’à appliquer un pansement et que je devais foutre le camp de l’hôpital au plus vite, parce qu’il y avait tous ces patients dans la salle d’attente qui attendaient pour des problèmes de santé bien pires que les miens, et ainsi filai-je en vitesse en je me disant que la prochaine fois que je ferais un couscous, je laisserais faire le rutabaga, et que d’ailleurs ce soir-là, j’aurais dû suivre ma première idée et me faire livrer une pizza).


Bref, voici donc cette liste biblique, tirée de l’évangile selon Luc.
« Jésus avait environ trente ans lorsqu'il commença son ministère, étant, comme on le croyait, fils de Joseph, fils d'Héli, fils de Matthat, fils de Lévi, fils de Melchi, fils de Jannaï, fils de Joseph, fils de Mattathias, fils d'Amos, fils de Nahum, fils d'Esli, fils de Naggaï, fils de Maath, fils de Mattathias, fils de Sémeï, fils de Josech, fils de Joda, fils de Joanan, fils de Rhésa, fils de Zorobabel, fils de Salathiel, fils de Néri, fils de Melchi, fils d'Addi, fils de Kosam, fils d'Elmadam, fils D'Er, fils de Jésus, fils d'Éliézer, fils de Jorim, fils de Matthat, fils de Lévi, fils de Siméon, fils de Juda, fils de Joseph, fils de Jonam, fils d'Éliakim, fils de Méléa, fils de Menna, fils de Mattatha, fils de Nathan, fils de David, fils d'Isaï, fils de Jobed, fils de Booz, fils de Salmon, fils de Naasson, fils d'Aminadab, fils d'Admin, fils d'Arni, fils d'Esrom, fils de Pharès, fils de Juda, fils de Jacob, fils d'Isaac, fils d'Abraham, fis de Thara, fils de Nachor, fils de Seruch, fils de Ragau, fils de Phalek, fils d'Éber, fils de Sala, fils de Kaïnam, fils d'Arphaxad, fils de Sem, fils de Noé, fils de Lamech, fils de Mathusala, fils d'Énoch, fils de Jared, fils de Maléléel, fils de Kaïnan, fils d'Énos, fils de Seth, fils d'Adam, fils de Dieu. » (Luc 3,23-38)
Pas mal, non?

[Source: http://www.info-bible.org/lsg/42.Luc.html#3]


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[Ajouts du 2012-01-28]

Cette liste me chicote.

On n’oserait évidemment pas mettre en doute la sincérité de Luc l’évangéliste, mais ça donne l’impression qu’il a inventé cette ascendance de toute pièce. S’est-il basé sur des sources fiables? A-t-il bénéficié de l’apport d’historiens de l’époque? A-t-il eu accès à une documentation crédible? J’essaie d’imaginer tous ces actes de naissances remontant à Adam, minutieusement archivés à la bibliothèque d’Alexandrie… Cette idée d’une généalogie de Jésus remontant jusqu’à Adam (en passant par Noé) me laisse sceptique.

Selon l’angle chronologique, cette généalogie ne tient pas davantage la route. Si je compte bien, il y aurait 78 générations entre Adam et Jésus. À 25 ans par génération, on pourrait en déduire l’âge de l’humanité : (25 x 78) = 1950 ans avant J-C, ce qui correspond grosso modo au début de l’âge de bronze. Il y a comme un léger raccourci ici... En passant, aux dernières nouvelles, Homo Sapiens serait apparut il y a environ 200 000 ans.

De plus, il me semble que cette idée d’une ascendance de Jésus ne colle pas d’un point de vue de la doctrine catholique. Je retiens de mon éducation catholique que Jésus était le « fils de Dieu ». Pas son arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-petit-fils. La filiation de Jésus avec Dieu ne tiendrait soudain plus qu’à celle liant Dieu à Adam, autant dire à pas grand-chose, enfin, à rien de plus que ce qui relierait n’importe quel quidam à Dieu. On est loin du « fils de ». Sans parler qu’une généalogie de Jésus passant par son père Joseph, lequel est connu pour ne pas avoir participé à sa conception, ne présente que très peu d’intérêt. Il aurait fallu plutôt étudier les ascendants de sa mère, non?