Mélissa. Mannequin de son état. Une gazelle, donc. L’été précédent, elle avait fait la page frontispice d’un magazine féminin. On la voyait toujours avec des jupes dont la longueur était inversement proportionnelle à celle de ses jambes. Elle avait l’air si jeune. Personne ne savait si elle était majeure, mais ça ne semblait pas émouvoir le type avec lequel elle sortait, le vice-président d’une grosse boîte de pub qui avait deux fois son âge. En tout cas, il avait manifestement dix ans de plus que la moyenne de notre groupe d’amis, et ses cheveux teints n’y faisaient rien. Sa figure qui tombait, ses pattes d’oies et — surtout — son incapacité à être synchro avec les tendances jeunes : tout ça le trahissait. Il était d’une autre génération, c’était évident. Mais Mélissa. La gazelle. Elle déambulait dans le loft comme sur un catwalk. Et les gars la suivaient des yeux, hypnotisés, les bras pendants, hagards comme des zombies. Un filet de bave au coin de la bouche. Inutile de préciser que la plupart des filles du groupe la détestaient copieusement. Et Mélissa, entre la jalousie des filles et l’hébétude des garçons, n’avait jamais pu se faire d’amis. La pauvre en était réduite à faire la potiche à côté de son vieux, ou au mieux à discuter manucure avec quelque autre fille superficielle et un peu niaiseuse.