Il avait signé plusieurs essais sur des sujets sans lien entre eux, mais tous plus ou moins controversés : une enquête sur le sexe et l’Internet, une biographie de Céline Dion, les témoignages-chocs de personnes enlevées par les extra-terrestres, le soi-disant scandale de la fabrication des attentats terroristes du 11 septembre 2001, etc. Ce qui ne gâtait rien, le type avait de la gueule, cultivait un look excentrique, mais élégant, complet noir sur chemise et cravate bigarrée, se présentait plutôt bien et savait faire parler de lui, sinon de ses livres. Il était rapidement devenu une figure médiatique. On l’invitait à tous les talk-shows à la mode; il suffisait de lui poser quelques questions, de le laisser déblatérer un moment, puis de le confronter, de lui poser les questions-pièges de circonstance, le type s’échauffait, le débat s’enflammait, bref, cela faisait un excellent spectacle. Ses livres, publiés par un éditeur populaire sans grande crédibilité dans les milieux intellectuels, se vendaient plutôt bien. On les trouvait d’ailleurs empilés par dizaines dans les pharmacies et les magasins à grande surface.
Cela dura deux ou trois ans, puis cet auteur disparut de l’espace public. Et on n’entendit plus parler de lui.
On n’entendit plus parler de lui, jusqu’à ce que dix ans plus tard, un fait divers surgisse; ce gourou charismatique qui avait fondé une secte dans un petit village de Belgique, cet homme hirsute à l’allure un peu bizarre qu’on appelait le Québécois, qui était poursuivi en justice pour avoir extorqué une poignée de disciples pour plusieurs centaines de milliers d’euros, pour avoir commis des abus sexuels, sans parler de la disparition suspecte de cette jeune femme : oui, sur la photo dans le journal, quoiqu’elle fût un peu floue, on pouvait reconnaître les traits de notre homme : cet ancien essayiste à scandale.