Un navire avance imperceptiblement
Traversera bientôt le paysage
Le carillon tinte mollement
Dans la brise
Gâchant le silence
Comme des vagues se cassant sur la grève
Par intermittence
Le bruit des voitures qui passent sur la route, derrière
Cette odeur âcre de pétrole et d’acier
Nous atteignons le chemin de fer
Qui longe la rive, en bas de la falaise
Toute une variété de petits fruits sauvages
Merises, pommettes, raisins, framboises
Mais bizarrement aucun oiseau en vue
Si ce n’était de la silhouette des montagnes sur l’horizon
Le ciel et le fleuve se confondraient
D’un même bleu très pâle
Dans le village, les touristes se massent
Rue principale et galeries d’art prises d’assaut
Il fait bon ici un verre de blanc sur la terrasse
Il faut faire un effort pour se le rappeler
C’est le même fleuve, c’est le même pays
D’ici, Montréal semble étranger
Il anticipe ses manœuvres des kilomètres à l’avance
Son bâtiment semble à peine se déplacer
Le pilote de navire se la coule-t-il douce?
Le l’aube au crépuscule
Le paysage se peint de nouvelles nuances
De même, jour après jour
D’ici on voit la pointe de l’Isle-aux-Coudres
L’Isle-aux-Coudres
Difficile de ne pas se laisser aller à des calembours idiots
Comme la silhouette d’une femme allongée
La courbe dramatique de la hanche d’une femme
La côte charlevoisienne plonge dans le fleuve
Cette teinte de bleu très pâle
Est-ce le ciel qui se mire dans le fleuve
Est-ce l’inverse?
Tous les paysages ont quelque chose d’unique
Certains bénéficient d’un marketing plus efficace
Ainsi Charlevoix
Ce matin, l’horizon a disparu
On aperçoit l’ombre de navires fantômes
Le ciel a la couleur du lait
Mille bourdons besogneux butinent, les cuisses chargées de pollen
Ça n’arrête pas de la journée
Vivent les vacances
Farniente
Le temps ne passe pas, il glisse
Sans bruit
« Quel gâchis », me dis-je
Je reste un moment interdit
Devant la vitrine de cette galerie d’art
Ce matin, on nous a volé le paysage
Brume opaque
Plus d’île, plus d’horizon, plus de ciel
Plus rien à voir, que du blanc
Un silence chargé
Soudain tonne une corne de brume
Farniente
Les pieds plus hauts que la tête
Rêver les yeux ouverts
Ciel variable, temps suspendu
J’égrène les pages d’un roman
Le vent chasse les brumes, mais charrie l’orage
À marée basse, la baie se vide
De gros rochers se découvrent
À la plage, des enfants jouent dans la boue
Tiens, je ne suis plus dans l’ombre
Le soleil m’a rejoint sans que je m’en rende compte
Je déplace ma chaise et replonge dans ma lecture
Le temps a beau avoir l’air suspendu
Un spectre hante l’après-midi
Demain, c’est retour en ville
L’ombre des nuages sur l’eau verte de la baie
De gros cumulus glissent
Tels des navires volants
Une bourrasque de vent dans les feuilles
Encore et toujours le carillon sous la véranda
Une corneille croasse, tout près
Farniente
Toute la journée à ne rien faire
Conjurer le stress de la routine par la monotonie
Baie-Saint-Paul, août 2010