31 mai 2010

Quel syndrome de la page blanche?

Je ne comprends pas ce qu’on appelle le syndrome de la page blanche. Quel est le problème? Rien n’est plus facile que de se mettre à écrire, à partir de rien du tout, sur une page jusque là vierge. Il s’agit de se laisser aller. Bien sûr, c’est mieux d’avoir un sujet avant de commencer à écrire. Ça donne une motivation plus forte, un allant, et en résulte généralement un texte plus cohérent. Mais à la limite, pas même besoin d’une idée, d’une histoire. En alignant quelques mots, ça fait tourner le cerveau un peu, la machine se met en marche et l’inspiration vient souvent toute seule. C’est comme dans « boire donne soif ». En dernier recours, on peut même faire de l’écriture automatique. (Je suggère ça en passant, mais j’avoue trouver ce type de procédé franchement paresseux; j’associe l’écriture automatique – l’authentique, celle qui consiste à écrire n’importe quels mots qui nous passent pas la tête – à cette image d’un ado boutonneux, disons moi à quatorze, quinze ans, qui est dans sa passe surréalisme et qui se trouve donc cool d’écrire n’importe quoi vite, vite, en associant le bla, bla qui en résulte à une prise directe sur l’inconscient). Bref, il faut se lancer et écrire. Se donner un thème, quelque chose de simple, et broder. Faire une liste. Décrire quelque chose qu’on a vu. Tenter quelques rimes. Critiquer les travers de ses contemporains. Que sais-je?

La page blanche n’a rien d’effrayant. Ce qui m’effraie plutôt, c’est le texte en cours. Quand la plage n’est plus tout à fait blanche. Ce qui me fait peur, c’est de continuer, de garder le fil, de garder le rythme et d’arriver au bout de l’idée ou de l’inspiration qu’on avait au moment d’écrire les premiers mots sur ladite page blanche. Ce qui m’angoisse, c’est la page 45, alors que je sais qu’il en faudrait encore cent de plus. Ce qui me déprime, c’est une demi-page qui n’est même pas capable de devenir une page complète, parce que le feu s’est éteint, les mots ne viennent plus. Ce qui m’afflige, c’est de ne pas avoir le temps, de ne pas avoir l’énergie, d’être trop paresseux pour même prendre une page blanche (mon ordinateur) et y tracer des signes (y taper des caractères). Ce qui m’embête, c’est la page à peine noircie tout juste bonne à mettre à la corbeille.