11 mai 2009

Années 50

Eussions-nous été dans les années 50, nous aurions âprement débattu des vertus relatives de l’abstrait et du figuratif en peinture, des dernières théories existentialistes ou de la mafia du clergé. Nous aurions été jaloux de Paris, des surréalistes, et autres groupes en -iste de la fine pointe culturelle et intellectuelle; nous aurions rêvé de nous échapper de notre monde et de déménager dans la Ville lumière. Nous aurions discuté, les sourcils froncés, fumant cigarette sur cigarette, entassés dans le salon d’un petit appartement en ville. Noter argumentaire se serait exprimé avec un drôle d’accent pointu, qui roule les R. Nous aurions bu du vin bon marché et nous serions forcé à écoutant de la musique concrète ou du John Cage. Nous nous serions entendus sur un certain nombre d’idées, nous serions inventés un nom en -iste et aurions patenté un manifeste anti-establishment. Un soir, quelqu’un aurait apporté son appareil photo et nous aurions posé pour la postérité. Six hommes et deux femmes. Les hommes en chemise blanche et cravate noire, les uns portant le veston, les autres en bras de chemise. Les femmes portant la jupe longue, les cheveux attaché ou en chignon. Plusieurs d’entre nous auraient porté des lunettes de corne noire.

Mais ce n’était pas les années 50, c’était les années deux mille et nous étions là à jaser de la pluie et du beau temps, à se raconter le dernier film hollywoodien, à disserter inutilement sur les résultats du dernier référendum, assis devant la télé qui jouait sans que personne n’y porte attention.