Un groupe de promoteurs, des bailleurs de capital de risque, deux ou trois techies, quelques gourous charismatiques, des média et un public enthousiastes, un système capitaliste et des investisseurs peu informés mais avides: voilà les ingrédients d'une bulle techno. Quand à chaque semaine est annoncée une nouvelle révolution, quand des compagnies réussissent à breveter des banalités, lorsque des fonds communs technologiques promettent 20% d'intérêt annuel, c'est clair que quelque chose cloche. Le gros bon sens disparaît. Pour des raisons qui échappent à tout le monde une compagnie bidon qui ne fait aucun profit achète soudain un empire centenaire qui vaut des milliards. On se met à glorifier la légende d'ex-hippies partis de rien et qui ont passé leurs premières années à bidouiller dans leur garage, se retrouvant vingt ans plus tard à la tête de multinationales toutes puissantes. On raconte l'histoire de jeunes d'à peine vingt ans qui dirigent des start-ups multimillionnaires. Tout le monde cherche le killer app, tout le monde veut devenir le prochain Coca-Cola, le prochain Levi's, le prochain Heinz de l'informatique. C'est la ruée vers l'or, les jambes à son cou, le toupet dans la face, sans regarder vers où on se dirige.
Et bientôt pètera la bulle.
Et tout ce beau monde fera semblant d'être surpris. Les employés mis à pied garderont les monster houses qu'ils auront acheté avec l'argent des actionnaires floués. Pendant que leurs clients considèreront la faillite pour se sortir du trou, les planificateurs financiers joueront les imbéciles et iront passer le week-end dans la maison de campagne financée à même les généreuses commissions acquises. Les éditeurs sacrifieront des forêts entières à publier des dossiers spéciaux sur la bulle. Les petits épargnants perdront tout les oeufs qu'ils avaient mis dans le même panier.
Lentement, le calme reviendra.
Et quelques promoteurs annonceront des innovations extraordinaires et le bruit circulera et les mots « Californie », « révolution » et « exponentiel » seront prononcés et des investisseurs accourront et des média s'exciteront, et des actions monteront en flèche. Et on sera reparti pour une nouvelle bulle techno.