Je ne me rappelle pas que nous ayons manqué d’électricité à l’appartement, rue Christophe Colomb, à Montréal. En tout cas pas plus de quelques minutes; pas assez pour devoir remettre à l’heure tous nos appareils électroniques, selon mon souvenir. Ainsi, un soir, Joanne et moi entreprîment de nous rendre à la boutique de location de vidéo la plus proche; une promenade qui nous amena à traverser notre quartier. Déjà, à quelques dizaines de mètres de chez nous commençait un no man’s land sans électricité : la noirceur, les branches qui jonchent le sol, les rues et trottoirs traversés de câbles électriques, une atmosphère de fin du monde. Pas un chat dans les rues. Le club vidéo avenue du Mont-Royal était ouvert, mais sans électricité. Un éclairage de fortune permettait aux rares clients de choisir leurs films dans les rayons. À la lueur de bougies, les commis prenaient note des locations, le système informatique étant bien entendu en panne. Le commerce ne flanche pas devant l’adversité.
Une fois rentrés à la maison, ce n’est pas sans une bonne dose de mauvaise conscience que nous visionnâmes ce film, collés sur le divan, dans le confort douillet, chauffé et éclairé de notre petit quatre et demi pendant que deux millions de québécois se gelaient les couilles.